OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Data-journalism notre religion http://owni.fr/2011/08/30/le-datajournalisme-notre-religion/ http://owni.fr/2011/08/30/le-datajournalisme-notre-religion/#comments Tue, 30 Aug 2011 09:56:39 +0000 Pirhoo http://owni.fr/?p=77431 À l’opposé des intentions de la presse d’opinion, celle qui dicte une manière de penser le monde, une nouvelle presse émerge, désireuse de transmettre toutes les données susceptibles de lire le monde différemment, de nourrir toutes les pensées critiques, sans tenter d’en imposer une. Pour cette presse-là, le journalisme de données (ou Data Journalism à l’anglo-saxonne) s’apparente à une nouvelle profession de foi. Pirhoo est l’un de ces apôtres.
Voici sa parole
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Ce texte représente un retour d’expérience sur les caractéristiques très précises du Data Journalism, ou journalisme de données. Pour commencer, la première partie de cet article s’adresse aux développeurs – mais ne partez pas, je serai doux. Vous vous en doutez peut-être déjà, il ne suffit pas de savoir coder pour faire du Data Journalism dans de bonnes conditions. Outre des techniques, certes singulières et indispensables, en visualisation de données et data-mining, le développeur qui veut se frotter aux journalistes doit avant tout recueillir des qualités humaines auxquelles son métier ne l’a pas préparé.

1. Tous les sujets sont différents, soyez curieux !

On le sait, par nature, développer nécessite d’être curieux : il faut en permanence recycler ses techniques et ses connaissances. De sujet en sujet, les journalistes ont eux aussi, à leur manière, une telle “contrainte”. De fait, il va falloir trouver une sorte d’équilibre lorsque vous allez vous intéresser à l’objet de vos applications. Il y a des objectifs capitaux lorsque on travaille sur un tel projet : rendre claire une donnée obscure, soutenir un angle car une application ne se suffit pas à elle-même et enfin, raconter une histoire avec tout ce qu’on a rassemblé.

Pour atteindre ces objectifs, ne faites pas de détour : il faut jouer le jeu à fond, ne pas faire semblant, se plonger corps et âme dans votre sujet. Si votre discours s’adapte à celui des journalistes, par continuité il s’adaptera avec celui des utilisateurs. Le meilleur moyen de parvenir à une telle adaptation et de comprendre tous les enjeux d’un sujet et offrir les réponses aux questions que vous vous êtes d’abord posées. Mettre en ordre les choses pour que le lecteur comprenne, c’est déjà en grande partie le rôle des journalistes. Soyez complémentaires. Ce n’est pas parce qu’un designer va faire un beau dessin et que vous allez faire clignoter des panneaux que le problème sera plus clair. L’utilisateur n’en sait jamais assez, si vous n’êtes pas assez didactique, votre application ne sera qu’une source d’interrogations supplémentaires.

2. Ne faites pas qu’exécuter, proposez

Oui, c’est vrai, ils adorent s’écouter parler. Mais les journalistes sont aussi des animaux très attentifs, qui savent poser les bonnes questions et construire du neuf avec vos réponses. Et comme le spécialiste de la data, c’est vous, vous allez avoir des choses à raconter. Non seulement lorsque vous aurez une idée, avant même d’en parler, vous saurez déjà s’il est possible de la réaliser, mais en plus, votre motivation n’en sera que plus grande. Les designers et les journalistes ne s’en rendront jamais compte, vous avez été mieux formés qu’eux pour répondre aux besoins de l’utilisateur.

Quand les journalistes racontent une histoire, les designers l’illustrent et l’animent. Vous avez toutes les qualités nécessaires pour faire en sorte que vos applications reprennent au mieux cette histoire. Les uns pensent narrations, vous pensez utilisation. L’enjeu de ces travaux est souvent de vulgariser un sujet (ou des données) par nature complexe(s). Vous avez toute la légitimité nécessaire pour vous imposer (souvenez vous UML, Merise, etc, tout ça c’est pas rien).

3. Préparez-vous à apprendre

Lorsque vous faites du Data Journalism, la dynamique des projets est telle que vous allez côtoyer un nombre exponentiel de technologies différentes. Il n’y a pas 1000 façons de positionner des points sur une carte, il y a cependant une quantité infinie de raconter quelque chose avec ces données. Diversifiez vos compétences et vos applications seront de plus en plus abouties et riches. Ne vous contentez pas (par exemple) de Highcharts pour faire des jolis graphiques. Cette librairie est magique mais vous limiter à seulement quelques outils dans vos manches, ce serait comme contraindre un peintre à n’utiliser que du noir et blanc. Il aura le temps de se lasser avant de lasser son public.

4. Sortez des clichés

J’ai très souvent été confronté à une situation assez clichée : journalistes et développeurs dans des pièces séparées, ces derniers étant vus comme des êtres d’un autre monde. Comment diable leur association pourrait-elle fonctionner ? Le développeur n’est pas un prestataire de service. Pour faire bonne recette, il faut créer les conditions favorables à une collaboration horizontale, briser les murs, se mélanger. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est nécessaire que tous les membres d’un projet de Data Journalism signent leur travail. Ce n’est pas juste pour que Maman voie votre nom dans les crédits, c’est avant tout pour rétablir un certain niveau d’égalité, même illusoire (les développeurs sont bien meilleurs of course).

À partir de maintenant, développer dans son coin sans jamais communiquer autrement que par email, c’est fini. Ne sortir que pour manger des pizzas dans une soirée Counter Strike, c’est fini. Il faudra probablement vous reproduire avec des journalistes, aussi. Adoptez leur comportement, ils adopteront le vôtre. Ce métier hybride c’est prendre ce qu’il y a de meilleur chez les uns pour le marier avec le meilleur des autres. Ce joyeux bordel doit mettre à sa manière un peu d’ordre dans le chaos.

Après avoir assommé mes congénères à grands coups de recommandations : développeurs, avant de savoir faire, sachez être ! Entre deux insultes ce sont aussi les journalistes que j’accable… J’ai en effet plus coutume d’enseigner à des journalistes qu’à des développeurs. Dès à présent, c’est donc à eux que je m’adresse.

5. Détendez-vous, tout va bien

Journalistes réactionnaires, éditorialistes venu d’un autre âge, je les vois venir. Trop sûrs d’eux pour oser remettre en question leur profession, ils sont trop nombreux à s’offusquer devant un view source. Heureusement le débat n’est plus à mener : ça ne fait plus aucun doute, les métiers de l’information n’ont qu’un avenir incertain sur le papier, il leur faut se diversifier, conquérir de nouveaux supports et en exploiter tous les potentiels. Encore aujourd’hui j’entends dire “ce n’est pas mon métier” quand je suggère à un journaliste d’apprendre la programmation. Je comprends que l’idée puisse surprendre. Mais plutôt que d’énumérer ce qui va changer, pourquoi ne pas regarder ce qui finalement ne change pas ? Vous savez mieux que moi qu’outre informer, vous devez aussi raconter. L’information dans toutes les histoires se met en scène, c’est ce que vous savez faire le mieux. C’est ce qu’on a toujours attendu des journalistes. Avec le Data Journalism et toutes les mutations liées au Web, nous n’essayons pas de vous en demander plus, juste de le faire un peu différemment.

Le support change, oui. Les techniques s’élargissent, aussi. Jamais pourtant on ne doit vous demander d’exécuter un travail de Web Agency. Toutes ces choses que vous allez apprendre (ou avez déjà apprises), c’est uniquement pour servir l’angle, la transparence et la poésie de vos articles. Ce ne sont que des outils supplémentaires pour rendre interactif un objet autrefois inerte. Une autre façon en somme de raconter une histoire.

6. Vous serez toujours moins fort que moi

Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre nous, le développeur ici, c’est moi. Vous allez maîtriser de plus en plus les technologies qui définissent mon métier, toutefois, ça ne doit pas signifier que les rôles vont s’inverser. L’idée c’est que vous soyez autonome sur des pratiques de data-mining et de gestion de projet. Personne ne veut faire de vous une créature supersonique qui collectionne les casquettes. Si nous devions quantifier la somme minimale de connaissances à assimiler, je serais tenté de dire “juste assez pour que journalistes, développeurs et designers puissent se comprendre”. La grande innovation, au fond, c’est cette équipe à trois têtes. Tous ces bons conseils un peu moralisateurs n’ont lieu d’être que si l’alchimie fonctionne entre nos disciplines.

Comme je le disais précédemment, la première partie de ce guide s’adresse aux développeurs. Si vous la lisez, vous vous rendrez compte que je ne parle pratiquement que de créer les conditions favorables à un bon travail d’équipe. J’insiste lourdement car c’est finalement ce que j’ai de meilleur à vous enseigner. Il y a bien sûr quelques outils indispensables. Le plus redoutable d’entre tous n’est cependant pas logiciel, il est humain. Soignez vos relations avec les développeurs, votre passion pour rédiger des articles, ils la partagent à leur manière dans le code et la plupart des raisons qui vous poussent à aimer l’écriture peuvent s’appliquer à la programmation.

Lorsque j’étais encore étudiant en informatique, les maths occupaient une place centrale. Une place telle qu’aujourd’hui encore, certains de mes collègues ne savent pas concevoir un algorithme sans se passer d’une équation. Je me suis toujours tenu à l’écart de ce prédicat et le Data Journalism en est l’image quasi inverse. L’informatique repose sur des calculs fondamentaux (“computer” en anglais signifie littéralement “calculateur”) toutefois je conçois plus la programmation comme une forme de littérature. Nous avons des figures de style, chaque programmeur a une empreinte qui lui est propre, nous avons une syntaxe à respecter et lorsque nous énonçons un problème ou sa solution par l’algorithmique, nous sommes confrontés à des problématiques proches de celles de la narration. Laissez-vous convaincre que nos métiers ne sont pas si différents.

7. Donnez-vous les moyens d’évoluer

Jean-Marc Manach, qui est un collègue et ami, m’a toujours beaucoup intrigué. Il me semble important de le citer dans cet article car j’ai eu la chance collaborer de nombreuses fois avec lui et c’est un symbole fort du Data Journalism. Dire que Jean-Marc est un journaliste équivaut à dire que Rocco Siffredi est un acteur : ce n’est qu’une part infime de la vérité… C’est un électron libre, un élément perturbateur qui va pousser sa discipline dans ses retranchements pour lui permettre d’évoluer. Lorsqu’un site gouvernemental dissimule brusquement des photos qui étaient publiques auparavant, Jean-Marc va fouiller dans le code HTML dudit site pour y trouver des pistes, tester des combinaisons dans l’URL et utiliser un tableur Excel pour web scrapper l’objet de son enquête. Il ne fait usage d’aucune technique compliquée, pas besoin d’avoir un diplôme en ingénierie informatique, c’est purement et simplement une démonstration de hacking. Jean-Marc est un journaliste-hackeur, il bricole, cherche en tâtonnant et ses résultats sont parfois surprenants.

Cet exemple nous dit quelque chose de très important : le journalisme de données est une discipline pour gens curieux. C’est ça, l’essence même du Data Journalism. Cette condition est indispensable à la pratique sur le terrain. C’est en allant fouiller les recoins d’Internet que vous allez le plus apprendre car c’est ainsi que vous allez vous heurter aux problématiques du métier comme le discernement des données et toute la complexité parfois pour les récupérer. On peut dire que c’est un métier de bricoleur, de Data Nerd. C’est probablement l’une de ces caractéristiques les plus importantes, la négliger serait une erreur.

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Il ne vous reste plus qu’à vous mettre au travail. Trouvez des développeurs, trouvez des designers, trouvez des sujets, même complexes. Si vous parvenez à créer une application qui raconte une histoire et vient soutenir l’angle de votre article, alors vous pourrez vous vanter d’avoir fait du Data Journalism en bonne et due forme.

Ressources

  • Envie de s’attaquer directement à la pratique et au code ? Je vous recommande l’excellent Site Du Zéro qui depuis 10 ans est une source abyssale de bons tutoriels. Comme son nom l’indique, aucun pré-requis n’est nécessaire (HTML et PHP sont de bon choix pour débuter ;).
  • Trouver des jeux de données ? Rien de plus facile, le Web regorge de ressources telles que DataPublica (repository), Buzzdata (réseau social de la data) et certains tags sur Delicious sont de vraies mines d’or (comme ddj, API ou data). N’oubliez pas non plus que si les gouvernements attendent parfois certaines initiatives pour mettre leurs données en ligne, certaines sont publiques, il suffit simplement de les leur demander gentiment.


Article publié initialement sur l’Oeil du Pirate en deux parties sous le titre Data-journalism : par où commencer ? (1) et Partie (2)

Illustration Flickr CC Paternité blprnt_van

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T’oublies or not to be http://owni.fr/2011/02/16/toublies-or-not-to-be/ http://owni.fr/2011/02/16/toublies-or-not-to-be/#comments Wed, 16 Feb 2011 08:24:22 +0000 xochipilli http://owni.fr/?p=34084 L’oubli nous évoque un phénomène inévitable, une sorte de dégradation naturelle de la mémoire comme l’érosion qui effacerait des traces sur le sable. Alors que la mémoire semble être le propre du vivant, un courageux effort contre-nature, on associe plutôt l’oubli au monde de l’inerte, à la nature qui reprend ses droits après la mort. L’analogie est tentante mais trompeuse. Je vous avais déjà raconté dans ce précédent billet sur les trous de mémoire combien l’oubli est un processus plus subtil que ça. Non seulement on peut oublier sur commande mais surtout l’oubli nous est bien utile pour s’adapter au changement, nous évitant le blanc devant le distributeur de billets lorsque notre code confidentiel a changé. Au hasard de mes lectures j’ai découvert bien d’autres cas où l’oubli s’avère être un auxiliaire à la fois discret et précieux de notre mémoire…

Le Babel des babils

Avant les années 1970, on pensait qu’un bébé apprenait sa langue maternelle à partir d’une page blanche, et que ce n’était qu’à force d’entraînement que son oreille parvenait à reconnaître tel ou tel son. Or on s’est rendu compte que dès l’âge de un mois un bébé sait distinguer des sons très proches comme “ba” ou “pa”. Et puis, en 1985: on a découvert qu’à six mois des bébés anglais pouvaient faire la différence entre des phonèmes étrangers (le Ta ‘rétroflexe’ et le ta ‘non rétroflexe’ en Hindi, ou deux phonèmes ki/qi tout aussi exotiques en langue Salish) qu’un adulte ne sait même pas distinguer! Cette capacité diminue avec l’âge et disparaît vers 12 mois: l’inverse exact de ce à quoi on s’attendait:

Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, un bébé naîtrait donc avec une capacité innée à distinguer une très large gamme de phonèmes, une espèce de grammaire universelle, commune à toutes les langues. L’apprentissage d’une langue maternelle le contraint paradoxalement à “oublier” tous les sons non-significatifs afin de mieux se focaliser sur ceux qui sont pertinents. A six mois les voyelles non usuelles passent à la trappe et à un an c’est le tour des consonnes. Peu à peu les subtilités des autres langues disparaissent de son oreille et sa petite tour de Babel intérieure se volatilise progressivement. Une fois adultes les espagnols ne distinguent pas un v d’un b ou un u d’un ou, que les français n’entendent rien aux différents r hollandais, que les japonais confondent l et r, que les allemands ne font pas la différence entre b et p, s et z etc. Le mot “barbare”ne désignait-il pas pour les Grecs tous ceux qui s’exprimaient par onomatopées “bar-bar-bar”?

Ils se ressemblent tous!

Le même phénomène de désapprentissage est à l’œuvre pour ce qui concerne la reconnaissance des visages.

Les visages utilisés dans le test

Pourquoi confondons-nous les visages des Asiatiques ou des Africains? Cette difficulté à reconnaître les faciès des autres ethnies n’est pas liée à nos préjugés ou à notre mauvaise volonté car on la retrouve chez tous les peuples: pour un chinois, tous les visages européens sont identiques. Or cette indiscrimination n’est pas innée: les nourrissons de trois mois sont tout à fait doués pour distinguer les traits d’une grande variété de visages africains, chinois, européens ou du Proche-Orient. A mesure qu’ils grandissent, les bébés se focalisent sur les types de visages auxquels ils sont fréquemment exposés et ils perdent leur capacité à différencier les autres ethnies. A neuf mois les enfants sont devenus incapables de distinguer des visages qui ne sont pas européens. Cet étrange désapprentissage serait le prix à payer pour reconnaître très rapidement les membres de sa propre ethnie et y focaliser ses capacités d’identification. Comme pour les langues étrangères dont on n’arrive plus à percevoir les subtilités, on range mentalement les visages des autres ethnies dans la catégorie “pas de chez moi”, sans pouvoir les distinguer les uns des autres.

Oublier la symétrie gauche-droite pour pouvoir lire

Nous sommes câblés pour assimiler un objet à son image dans un miroir car à part le croissant de lune dont l’orientation indique si elle est croissante ou décroissante, la plupart des objets naturels se présentent indifféremment sous leur profil droit ou gauche. C’est la raison qu’avance Stanislas Dehaene pour expliquer pourquoi les enfants qui apprennent à écrire ont souvent tendance à tracer leurs lettres à l’envers, comme dans un miroir, et confondant les b et les d, les p et les q. Pour apprendre à lire et à écrire il faut donc là aussi désapprendre à considérer comme équivalents la gauche et la droite…

Oublier, ça s’apprend!

Apprendre à vivre c’est aussi pouvoir surmonter ses peurs et ses angoisses, savoir oublier un aboiement effrayant, un chagrin d’amour ou une grosse frayeur à vélo. La manière dont un souvenir s’atténue dans notre mémoire est là encore assez différent de ce qu’on pourrait imaginer intuitivement.

Si vous entraînez un rat à avoir peur d’un son particulier en lui administrant un petit choc électrique chaque fois qu’il l’entend, vous pouvez assez facilement le “déconditionner” en l’exposant au son sans le choc, ou mieux en y associant de la nourriture. Au bout d’un moment, le son n’effraie plus notre ami le rat. Le conditionnement initial a-t-il été oublié? Pas du tout bien sûr: il revient au galop si longtemps après vous associez à nouveau un choc électric au son. Le conditionnement était simplement masqué, prêt à reprendre du service à la moindre alerte. L’observation de son petit cerveau confirme qu’après déconditionnement la peur originale est toujours bien présente (dans l’amygdale cérébrale, vous vous souvenez? On en avait parlé dans ce billet), mais qu’elle est inhibée par une autre zone du cerveau (le cortex préfontal). Ce qu’on prend pour de l’oubli est en réalité un nouvel apprentissage qui réfrène le premier comportement réflexe. D’ailleurs, en cas de lésion dans cette aire préfrontale, l’animal reste tout à fait capable d’apprendre une  nouvelle peur conditionnée, mais il est beaucoup plus difficile à déconditionner.

Pareil chez nous, les humains: on n’oublie pas une expérience traumatisante en effaçant ses traces de notre tête comme si c’était une ardoise. Un tel souvenir ne s’oublie pas, il s’apprivoise tout au plus. Pour qu’il perde un peu de sa charge émotionnelle et cesse de nous griffer, il faut apprendre à lui associer d’autres expériences positives ou neutres: remonter en selle tout de suite après sa chute, revenir sur les lieux d’un drame personnel, parler de ce qui nous a blessé etc. Bon, je ne me moquerai plus de ces fameuses “cellules d’aide psychologique” qu’on déploie de toute urgence dès qu’il y a une catastrophe quelque part…

Pas évident d’oublier dans le fond de son cerveau…

Credit: Deborah Hannula

Vous avez sans doute déjà joué à essayer de deviner l’objet qu’on a retiré d’une pièce ou d’une table que vous aviez bien observée au préalable? Et bien même si vous ne connaissez pas la réponse, vos yeux se poseront inconsciemment plus longtemps à l’endroit de l’objet manquant. On a fait l’expérience avec des volontaires à qui l’on a présenté 216 photos montrant des visages devant un paysage. Ensuite on demandait aux participants de choisir parmi trois visages, lequel ils avaient vu face à ce paysage. Pendant qu’ils réfléchissaient, les chercheurs ont analysé la direction de leur regard et ont découvert que lorsqu’ils regardaient au bon endroit, leur hippocampe (la petite zone du cerveau en charge de la mémoire) s’activait pile à ce moment précis, même s’ils optaient finalement pour un mauvais choix par la suite. Ils en ont conclu que le souvenir était bien présent physiologiquement, mais insuffisamment fort pour réveiller la conscience et faire le bon choix.

Oublier signifierait donc tantôt masquer, inhiber un souvenir, tantôt en perdre l’accès à la conscience. De la même façon “qu’effacer” un fichier informatique ne signifie pas gommer chacun des bits qui le compose mais supprimer l’index qui permet de les retrouver et de les mettre dans le bon ordre. Tout comme les experts arrivent à récupérer certains fichiers effacés par erreur ou malveillance, il arrive qu’une stimulation profonde de certaines zones du cerveau fasse ressurgir puissamment un souvenir qu’on avait complètement oublié. Drôle de bestiole décidément que l’oubli: il se niche là chez les nourrissons, lorsqu’on penserait qu’il n’y a rien à oublier et il se dérobe là où la mémoire semble justement faire défaut. Homer Simpson, grand connaisseur de l’âme humaine, avait raison: l’oubli est indispensable pour apprendre:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

>> Article initialement publié sur Le Webinet des curiosités

>> Photo FlickR CC : ganesha.isis

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Jan Muehlfeit : « Ce siècle n’appartient pas à l’Occident. » http://owni.fr/2011/02/09/jan-muehlfeit-%c2%ab-ce-siecle-nappartient-pas-a-loccident-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/02/09/jan-muehlfeit-%c2%ab-ce-siecle-nappartient-pas-a-loccident-%c2%bb/#comments Wed, 09 Feb 2011 07:30:49 +0000 Roman Chlupaty http://owni.fr/?p=45724 Jan Muehlfeit, est le directeur de Microsoft Europe. Il a accepté de répondre à nos questions sur la crise, l’établissement d’un monde multipolaire et les leçons à tirer de ces changements.

L’Ouest a dominé une grande partie du monde depuis la chute de l’empire soviétique. Est-ce que vous pensez qu’avec la crise, des choses vont changer ? En d’autres termes, la crise pourrait-elle menacer ou changer la position de l’Occident ?

Plusieurs choses qui doivent être prises en considération se sont passées ces dix dernières années. D’abord, la mondialisation est en marche. Et elle ne concerne pas uniquement l’Ouest, mais aussi l’Asie et l’Amérique Latine. Il y a 10 ans, les marchés émergents étaient endettés et l’Occident était plus prospère. Les choses sont très différentes aujourd’hui. Les pays asiatiques ont 4,6 trillions de dollars US de réserve financière, 2,6 trillions juste pour la Chine. L’hémisphère Ouest, ce que ce soit l’Europe, l’Amérique du nord ou d’autres pays, est endetté. C’est l’une des choses qui aura un impact important dans le futur.

Un autre facteur est la démographie. La plupart des pays asiatiques, les nouveaux tigres émergents, toucheront comme un dividende démographique. À l’Ouest, et spécialement en Europe, la population vieillit. Cela aura un impact lors des départs à la retraite etc. Enfin, en plus de tout, il y a la crise. C’est pour ces raisons que j’affirme que le XXIe siècle ne sera pas celui de l’Occident. Ce sera le siècle d’une mondialisation équilibrée dans laquelle l’Asie jouera un rôle très important, résultat des tendances démographiques et des dettes occidentales. En plus, et c’est d’autant plus clair quand on regarde beaucoup de pays asiatiques, grâce à leur compétitivité, qui augmente.

Certains affirment que nous faisons l’expérience d’une crise du capitalisme –  au moins dans le sens que nous lui donnons en Occident, c’est à dire en connexion avec la démocratie libérale et que ce faisait, nous avons besoin de grands changements. Quelle est votre position?

Je pense que ce que nous vivons n’est pas une crise du capitalisme mais une crise de leadership. Tout les pays occidentaux ne se trouvent pas dans le même bateau. Le Canada par exemple, qui n’a jamais trop assoupli ses régulations bancaires, a très bien supporté la crise. De même, je pense que c’est une bonne chose que nous soyons passé du G8 au G20 car les cartes, qu’elles soient économiques ou liées à l’influence politique dans le monde, ont été récemment redistribuées quelque peu différemment. Ainsi, ces nouveaux marchés ont leur mot à dire. Si le G20 devait résoudre un problème, là tout de suite, c’est trouver comment introduire un équilibre dans les échanges. Car nous ne pouvons pas avoir une situation dans laquelle d’un côté du monde d’énormes surplus sont créés pendant que l’autre côté, lui, amasse toujours plus de dettes. Il y a un besoin de sortir des perspectives idéologiques et d’avoir un regard rationnel sur la situation.

Une autre chose qui je pense doit changer est les modèles que les économistes utilisent pour leurs prédictions. Les êtres humains sont pleins d’émotions. Pourtant, très peu d’économistes se penchent sur la façon dont les gens fonctionnent. C’est pourquoi je crois que nous devons faire bien plus attention à la psychologie et aux émotions qui sont sans nul doute affectées par les crises et le cycle économique.

Vous mentionnez le comportement des gens, qui est souvent l’objet de discussions liées à la crise : est-elle est une crise de la morale et de l’éthique dans les cercles d’affaires comme certains le pensent, montrant du doigt par exemple ce qui a pu se passer notamment dans des banques américaines ?

Adam Smith, un des pères spirituels du capitalisme, écrivait il a 230 ans dans La Richesse des Nations, que l’on peut faire du profit tout en prenant des précautions, les deux cohabitant de manière équilibrée. Je trouve que nous, en tant que société humaine – et c’est particulièrement vrai pour l’Ouest, nous sommes concentrés énormément sur le profit et très peu sur les précautions, le soin d’autrui, de la société et aussi l’attention à porter à la nature. Il nous faut retrouver cet équilibre. C’est lié par exemple à la façon dont on forme aujourd’hui les dirigeants de demain. La plupart des programmes de type MBA enseignent comment faire du profit. Mais des sujets comme faire attention, la viabilité sur le long terme ou comment faire des affaires de manière responsable manquent à l’appel. Cela doit changer. Car si le système capitaliste veut fonctionner – et je pense que c’est le meilleur système qui a été inventé à ce jour – alors l’équilibre entre le profit et les précautions doit vraiment être préservé.

Peut-on éventuellement considérer ceci comme l’un des leçons de la crise actuelle ? Si oui, est-ce que vous pensez que le monde aura retenu la leçon pour la prochaine fois ?

Je suis d’un optimisme incroyable. Quand je parle avec des représentants d’autres entreprises, dans notre secteur ou ailleurs, ils sont sur la même longueur d’ondes. Je suis optimiste grâce à la jeune génération. Grâce aux réseaux sociaux, elle voit plus loin. Elle comprends la technologie bien mieux que la génération actuellement au pouvoir. Cela veut aussi dire que les membres de cette générations seront dans des positions de pouvoir bien plus rapidement que ma génération. C’est l’une des raisons qui fait de moi un optimiste.

Par contre, je suis moins optimiste à cause du fait que ces entreprises soient des entités cotées en Bourse qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires chaque trimestre. Or si nous voulons changer les choses dont nous discutons en ce moment, il nous faut y inclure ces investisseurs et actionnaires, ce qui est loin d’être le cas. Un autre exemple est ce que l’on appelle la mondialisation inclusive, une mondialisation qui marche plutôt bien pour l’Asie mais bien moins pour l’Afrique. Je pense qu’il nous faut un modèle qui intègre ce continent. Tout ceci est lié à la façon dont nous gérons la transition vers un monde multipolaire, représenté par le G20, en rupture avec le monde bipolaire que nous avions jusqu’alors. Ce changement nécessite de notre part une modification complète des comportements et de leadership.


Enfin, subsiste la nécessité de réduire les inégalités entre les riches et les pauvres. Imaginez un peu: en 1945, les pays développés étaient 5 fois plus riches que les pays pauvres. Aujourd’hui, ils sont 45 fois plus riches.

Vous parlez de la venue d’un monde multipolaire. A la lumière de cette idée, est-ce que le monde des affaires va devoir trouver un langage commun à propos du respect de l’éthique et de la morale, ou bien l’Occident ira dans une direction et la Chine, suivie par les autres pays émergents, ira dans une autre ?

Je pense que nous allons voir une sorte de symbiose entre le modèle occidental et ce que l’on appelle le modèle asiatique, et certaines philosophies orientales auront un impact important et positif. Beaucoup de managers occidentaux ont commencé à méditer – sans aucune connotation religieuse. Simplement, c’est une technique qui leur permet de gérer leur stress. Des Asiatiques viennent étudier en Occident et beaucoup de sociétés occidentales font des affaires en Asie. C’est pourquoi on va voir une certaine inter-connectivité.

En ce qui concerne la morale, je suis convaincu qu’au XXIe siècle, un société prospère ne pourra pas échapper à ce que l’on appelle la responsabilité sociale des entreprises, ou RSE. Les entreprises les plus prospères seront celles qui feront le plus pour être les meilleures sur la planète et pour la planète. C’est lié à ce que je disais sur la jeune génération. Par exemple, lorsqu’il y a 10 ans, j’embauchais quelqu’un à Microsoft et que je demandais s’il avait des questions, beaucoup m’interrogeaient sur les indemnités, les bonus, ce genre de choses. Aujourd’hui, il y a plus de question sur comment une entreprise se comporte: par exemple, est-ce qu’elle est active en Afrique depuis longtemps, ensuite vient souvent la question de savoir ce que l’on ferait pour aider l’Afrique à intégrer la mondialisation. Je le répète, si une entreprise veut avoir du succès au XXIe siècle, la RSE doit faire partie intégrante de sa stratégie.

La RSE est souvent présentée comme étant un obstacle pour les entreprises occidentales. Notamment parce que ce sont elles dont on attend un comportement responsable. Les sociétés en Chine ou dans d’autres pays se développant rapidement ne sentent pas la même pression, du moins elle ne vient pas de leurs marchés domestiques. Est-ce que vous pensez que cela va changer ou bien rester à l’identique – quitte à être un certain désavantage pour l’Occident et ses entreprises ?

Je pense que les choses sont déjà en train de changer. Je suis président de l’Academic Business Society, qui rassemble de grosses entreprises et des universités. Cette institution a été fondé en Europe mais c’est désormais une organisation mondiale. Un nombre grandissant de ses membres viennent d’Asie et d’Amérique latine. Notre symposium le plus récent a eu lieu à Saint-Pétersbourg, en Russie. La RSE a commencé à être un thème abordé dans ces pays. C’est aussi le résultat de la coopération entre des marchés émergents et l’Occident. Imaginez plutôt : si vous voulez créer une entreprise prospère, même si vous n’êtes qu’une petite entreprise de République tchèque qui fournit des pièces à Škoda, vous êtes, grâce à l’inter-connectivité de l’économie mondiale, en compétition avec d’autres petites sociétés situées partout dans le monde.

La RSE peut joué un rôle dans cette rude compétition, c’est pour cela que je ne la considère pas comme un fardeau pour les entreprises.  La responsabilité sociale des entreprises est pour moi partie intégrante de la stratégie commerciale, une partie sans laquelle il est impossible d’exister.

Pour finir, penchons nous à nouveau sur la crise. L’idéogramme chinois pour « crise » signifie à la fois « danger » et « opportunité ». Est-ce que c’est comme cela que vous voyez la crise – pour Microsoft comme pour l’économie mondiale ?

Absolument. C’est en partie dû aux choses dont j’ai parlé – les dettes, la démographie, la compétitivité. La crise est une opportunité incroyable pour mener à bien les réformes nécessaires. En Europe, il s’agit des réformes des retraites et du système sociale ainsi que la réforme de l’Education qui doit offrir plus de soutien à la créativité et à l’innovation étant donné que l’Europe doit gagner sa vie en vendant des idées. Il est grand temps de faire ses réformes. La question qui subsiste est de savoir si les politiciens européens auront le courage de mener à terme ces réformes. Car il y a parfois de grandes différences entre ce que l’on sait que l’on doit faire et ce que l’on fait. Par exemple, l’Union Européenne a une stratégie pour 2020. C’est tout à fait respectable. Mais il faut la mettre en oeuvre. C’est pour cela que je pense que la crise est l’occasion d’apporter des changements. En plus, les gens, les électeurs, sont beaucoup plus ouverts au changement maintenant. Si ces réformes sont bien expliquées, il y aura les opportunités pour les faire passer. Mais la fenêtre de tir dont nous disposons pour agir est limitée.

Interview réalisé par Roman Chlupaty pour Owni et GlobeReporter.org.
Traduction Thomas Seymat

Crédit Photo Flickr CC : Stuck in Custom / Norges Bank

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Nous y sommes || (au bord du gouffre) http://owni.fr/2010/08/23/nous-y-sommes-au-bord-du-gouffre/ http://owni.fr/2010/08/23/nous-y-sommes-au-bord-du-gouffre/#comments Mon, 23 Aug 2010 13:46:22 +0000 Admin http://owni.fr/?p=2812 A l’occasion de notre retour sur les journées d’été d’Europe Écologie, nous vous proposons cette tribune intemporelle de Fred Vargas parue en juin 2009 et déjà publié sur OWNI en août de la même année.

Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l’incurie de l’humanité, nous y sommes.

Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l’homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu’elle lui fait mal. Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d’insouciance.

Nous avons chanté, dansé.

Quand je dis « nous », entendons un quart de l’humanité tandis que le reste était à la peine.

Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l’eau, nos fumées dans l’air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu’on s’est bien amusés.

On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l’atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.

Franchement on s’est marrés. Franchement on a bien profité.

Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu’il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.

Certes.

Mais nous y sommes.

A la Troisième Révolution.

Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu’on ne l’a pas choisie.

« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.

Oui.

On n’a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C’est la mère Nature qui l’a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.

La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets.

De pétrole, de gaz, d’uranium, d’air, d’eau.

Son ultimatum est clair et sans pitié : Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l’exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d’ailleurs peu portées sur la danse).

Sauvez-moi, ou crevez avec moi.

Évidemment, dit comme ça, on comprend qu’on n’a pas le choix, on s’exécute illico et, même, si on a le temps, on s’excuse, affolés et honteux.

D’aucuns, un brin rêveurs, tentent d’obtenir un délai, de s’amuser encore avec la croissance.

Peine perdue.

Il y a du boulot, plus que l’humanité n’en eut jamais.

Nettoyer le ciel, laver l’eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l’avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est –attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille- récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n’en a plus, on a tout pris dans les mines, on s’est quand même bien marrés).

S’efforcer. Réfléchir, même. Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.

Avec le voisin, avec l’Europe, avec le monde. Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.

Pas d’échappatoire, allons-y.

Encore qu’il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l’ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante. Qui n’empêche en rien de danser le soir venu, ce n’est pas incompatible. A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie –une autre des grandes spécialités de l’homme, sa plus aboutie peut-être.

A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.

A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore.

Fred Vargas

Crédits Photos CC FlickR par Chris Devers, Gilbert R.

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Utilisateur reprendre contrôle http://owni.fr/2010/04/29/redonner-le-controle-aux-utilisateurs/ http://owni.fr/2010/04/29/redonner-le-controle-aux-utilisateurs/#comments Thu, 29 Apr 2010 15:10:02 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=13932 Les réseaux sociaux, c’est de la balle! Les 26 millions de Français utilisateurs de Facebook y passent en moyenne 4 heures par mois (source Nielsen). Nos chers compatriotes passent désormais quasiment 10 fois plus de temps sur Facebook qu’à l’église (source La Croix/IFOP).

Pourtant, la firme de Mark Zuckerberg a tendance à traiter ses utilisateurs avec une insoutenable légèreté. Jusqu’à ce que le New York Times s’empare de l’affaire en 2008, il était plus facile de convaincre un athée de l’existence de Dieu que de se désinscrire de Facebook. Même aujourd’hui, la procédure de suppression d’un compte dure près de 14 jours!

Suicide 2.0

Si les autres réseaux sociaux permettent de supprimer son compte plus facilement, l’utilisateur n’a pas de garantie que l’intégralité de ses données soit effectivement détruite, et non pas conservée sur tel ou tel serveur.

Face aux difficultés que rencontrent les utilisateurs désireux de quitter ces services, plusieurs sites ont été créés pour aider au suicide2.0. Seppukoo.com et suicidemachine.org proposent de supprimer un à un tous les éléments de votre identité virtuelle sur Facebook, Twitter, MySpace ou LinkedIn.

Piqué à vif par ce qu’il a considéré comme une attaque directe, Facebook s’est empressé d’envoyer des lettres de mise en demeure aux deux  sites. Résultat, Seppukko.com ne fonctionne plus et Facebook interdit aux serveurs de suicidemachine.org de se connecter au site.

Gérer ses status updates

Surtout, ces deux services ont une approche trop maximaliste de la gestion des données. C’est tout ou rien. Nous voulons développer un outil permettant aux internautes de gérer les contenus qu’ils ont déposés sur les réseaux sociaux.

Chaque semaine, les utilisateurs de Facebook publient 5 milliards de contenus (statuts, images, liens etc.). Twitter, avec ses 350 millions de tweets hebdomadaires, fait pale figure en comparaison. Parmi cette avalanche de contenus, tout n’a pas vocation à être conservé sur des serveurs pendant des années.

Imaginez que vous ayez publié ça sur Facebook à l’époque où c’était un réseau social pour jeunes cools (2007) :

Mais voilà, aujourd’hui, Jean-Édouard Mouloud c’est votre boss et votre ami Facebook. Le jour où Facebook permet à tout le monde de chercher dans les archives des statuts et que Jean-Edouard fait une recherche sur son nom, vous êtes sacrément dans la merde.

C’est pour cette raison que nous voulons créer un logiciel permettant de naviguer dans ses propres archives et de supprimer les contenus qu’on veut.

.exe’s not dead!

Coder un tel programme présente de nombreux obstacles. Afin d’éviter de se faire blacklister par Facebook et que nos serveurs se voient interdire l’accès au site, il est indispensable que le programme tourne sur la machine de l’utilisateur.

Pour une utilisation souple de l’app’, il faudrait stocker les données des internautes dans une base de données. Afin d’éviter toute atteinte à la vie privée, il vaut mieux que cette base soit hébergée par l’internaute lui-même. D’où l’intérêt de créer un programme à installer sur la machine de l’utilisateur plutôt qu’un service en ligne.

Netcrawler propose un Facebook Cleaner en Ruby permettant de supprimer toutes ses infos sur le site. En s’inspirant de ce script, il devrait être possible de coder une app’ qui permettra aux 400 millions d’utilisateurs de Facebook ou des autres réseaux sociaux de retrouver un peu de contrôle sur leurs contenus.

Bourbier juridique

Face aux problèmes juridiques, les questions techniques seront simples à régler. Les conditions d’utilisations du site stipulent bien que les utilisateurs ne peuvent utiliser une machine pour accéder au service et que l’on ne peut aider les utilisateurs à le faire.

A la fois le codeur et l’utilisateur de l’application seront susceptibles de se faire poursuivre par Facebook. Et les avocats du géant californien ont montré qu’ils n’étaient pas des rigolos.

Alors que même le gouvernement parle de droit à l’oubli numérique et que la protection des données personnelles devient un enjeu majeur, il nous semble nécessaire de prendre le risque de ne plus avoir d’amis.

Toutes contributions pour transformer ce projet en réalisation sont les bienvenues! Ce que vous pouvez apporter:

  • Des compétences en développement d’applications côté client.
  • Des conseils juridiques.
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http://owni.fr/2010/04/29/redonner-le-controle-aux-utilisateurs/feed/ 6
La troisième frontière du Web http://owni.fr/2010/03/12/la-troisieme-frontiere-du-web/ http://owni.fr/2010/03/12/la-troisieme-frontiere-du-web/#comments Fri, 12 Mar 2010 09:12:23 +0000 Patrice Lamothe http://owni.fr/?p=9960 PDG de Pearltrees et auteur du blog Cratyle, Patrice Lamothe expose dans ce billet les différentes phase de développement du Web. Parti d’un micro-démocratie où “chacun disposait de tous les attributs d’un média”, le réseau semble actuellement en mesure de franchir une frontière : celle qui vise à permettre à chacun d’être un média complet.

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Chacun sent que le Web entre aujourd’hui dans une nouvelle phase de son développement.

Les tentatives de synthèse fleurissent, mais ne semblent pas suffire à rendre compte des évolutions en cours. Peut-être sont-elles encore trop vagues? ou déjà trop précises? Le concept de “Web Squared” s’ajuste assez bien au “Web 2.0″ passé, mais il ne permet pas vraiment de saisir la nature des changements, moins encore d’en déduire les effets concrets. Le “Web en temps réel”, l’une des principales expressions du moment, ne nous renseigne pas beaucoup plus sur la portée de ces changements.

Peut-être trouvera-t-on d’ailleurs inutile de vouloir décrire les évolutions d’ensemble du Web? Il y aurait de très bonnes raisons pour celà. Assemblage de ressources techniques, de fonctionnalités et d’usages, le Web ne se réduit à aucune de ces dimensions en particulier.

Le succès des nouveautés techniques y dépend de l’écosystème de produits existants. L’évolution des produits y est liée à celle des usages. Les usages ne s’y développent qu’à partir des techniques et des produits. Ce réseau d’interaction semble totalement rétif aux synthèses, tout occupé qu’il est à surprendre et à réinventer.

Je crois pourtant que la nature décentralisée du Web offre un moyen de comprendre son orientation. Sans dirigeant, sans régulation externe, sans règlement interne ou plus exactement avec un nombre de règles tel qu’aucune n’est jamais uniformément appliquée, les principes fondateurs du Web sont les seuls capables de véritablement le coordonner. Ce sont eux qui tracent les orientations de l’ensemble, des orientations que l’on peut donc comprendre et prolonger.

C’est cette piste que je voudrais explorer ici. J’espère qu’elle permettra d’éclairer la très courte histoire que le Web a connu jusqu’ici, peut-être plus encore d’en déduire les évolutions à moyen terme. Il ne s’agira certes pas là de prédire un quelconque avenir – il y a une limite au plaisir de se tromper – mais d’essayer de rendre visible des évolutions déjà engagées, des évolutions peut-être suffisament profonde pour influence le Web pendant de nombreuses années.

Les principes fondateurs du Web

Ces principes sont simplement les objectifs initiaux que Tim Berners-Lee et Robert Caillau ont donnés à leur projet. En éliminant le jargon technique, il est possible de les réduire à trois propositions générales et universellement valables:

1- Permettre à chacun d’accéder à tout type de document

2- Permettre à chacun de diffuser ses propres documents

3- Permettre à chacun d’organiser l’ensemble des documents

Ils ont guidé le développement des technologies, des fonctionnalités et des usages du tout premier Web, limité d’abord aux scientifiques du CERN puis aux communautés de chercheurs qui lui étaient liées.

En raison du très petit nombre d’utilisateurs initiaux et de la population très particulière à laquelle ils appartenaient, ce tout premier Web était doté d’une propriété qui n’a jamais été reproduite depuis : chacun de ses utilisateurs avait suffisamment de compétences techniques pour accéder aux documents, pour en créer, et enfin, en programmant en HTML, pour participer à l’organisation de l’ensemble des documents. A la fois lecteur, créateur et organisateur, chaque utilisateur se conformait aux trois principes fondateurs.

Le Web initial, micro-démocratie où chacun disposait de tous les attributs d’un média, assura son propre développement et fixa durablement ses orientations. Son objectif en tant que projet était tracé : permettre à chaque utilisateur de devenir un média complet, c’est-à-dire de lire, de créer et d’organiser l’ensemble des documents qu’il souhaitait.

L’ambition était à la fois immense et claire. Immense car il ne s’agissait ni plus ni moins que de démocratiser l’ensemble de l’activité médiatique. Claire, car l’utopie proposée à tous était en fait déjà réalisée par le petit groupe des pionniers. Elle plaçait ainsi les principes fondateurs au centre de la régulation et du système de développement du Web

Le Web devint un projet Open Source universel et sans leader déclaré, comparable en cela, mais à une autre échelle, à ce qu’est en train de devenir Wikipédia. Ses principes fondateurs assuraient l’intégration des nouveautés dans l’écosystème. Ils renforçaient naturellement celles qui leur correspondaient, freinaient mécaniquement les autres, et orientaient ainsi durablement l’évolution d’ensemble.

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Les deux premières phases d’expansion

Que l’on regarde maintenant les vingt années écoulées depuis le Web des pionniers, et l’on verra que les principes fondateurs ont non seulement assuré l’unité de d’ensemble du projet, mais encore structuré les étapes de son développement.

Le principe « permettre à chacun d’accéder à tous les documents » établit la première frontière du Web et guida sa première expansion. Pour l’essentiel, cette phase s’étendit de 1994-95 à 2003-2004. Elle correspondit au développement massif d’un Web pyramidal, dans lequel un petit nombre réalisait, organisait et distribuait les contenus que la majorité consommait.

Le portail et le moteur de recherche en étaient les produits clés ; HTML et PHP les technologies principales ; l’accès à l’information l’usage privilégié. Il n’est pas inutile de rappeler que ce modèle recouvre encore la majorité du Web actuel, et continue à se développer au rythme de croissance d’internet.

La deuxième phase d’expansion du Web commença lors des années 2000-2002, sous l’impulsion de projets tels que Blogger, Myspace puis Wikipédia. Rapidement identifié comme un tournant majeur, le « Web 2.0 » correspondit simplement à la popularisation du deuxième principe fondateur : « permettre à chacun de diffuser ses propres documents ».

Des technologies telles qu’AJAX ou RSS offrirent au plus grand nombre des fonctionnalités de création et de diffusion jusqu’alors réservées aux seuls développeurs. Une foule de produits permit à chacun de mettre en ligne des contenus de tous types. Le succès du premier Web et la force d’ensemble du projet permirent enfin aux usages correspondant de s’étendre massivement. Les blogs, les réseaux sociaux, les wikis devinrent les emblèmes de la démocratisation de la parole et de la discussion généralisée.

On peut aujourd’hui estimer que le Web participatif appartient au quotidien de 200 à 300 millions de personnes. Le deuxième principe du Web a franchi à son tour le petit cercle des pionniers pour transformer les usages du grand public. Les technologies, les produits et les modes de fonctionnements sont maintenant en place pour qu’il s’étende progressivement à l’ensemble de la population. Son développement, devenu prévisible, ne requiert plus d’innovation radicale. Il se prolongera naturellement au fil des années.


La troisième frontière

Même rapidement évoquées, les deux premières étapes font nettement apparaitre ce qui constitue aujourd’hui la nouvelle frontière du Web. Au-delà de la foule d’innovations et de nouveautés qui poursuivent des voies déjà tracées, l’une des trois composantes du projet Web, « permettre à chacun d’organiser l’ensemble des documents » est encore loin d’avoir trouvé la voie du grand public.

A-t-on remarqué que le maillon essentiel du tissu technologique du Web, la traduction technique du troisième principe, le langage HTML, est à la fois celui qui a le plus contribué à la diffusion du Web et celui qui s’est le moins éloigné de sa forme technique initiale ? Que la création des liens hypertexte, qui tisse la structure véritable du Web, l’architecture des sites, le point de repère des moteurs de recherches, reste une activité complexe, très éloignée du quotidien, très peu adaptée à la multitude d’usages qui pourraient en découler ?

Après avoir permis à chacun de tout lire et de tout diffuser, le Web doit permettre à chacun de faire ce que ses premiers utilisateurs ont toujours pu faire, ce qui est au cœur de sa radicale originalité : tout organiser. L’écosystème du Web doit progressivement bâtir les technologies, inventer les produits et façonner les usages qui permettront à chacun de manipuler les contenus créés par chacun, de les assembler, de les éditer, de les hiérarchiser, de leur donner du sens. Le Web doit permettre à chacun d’être un média complet.

S’agit-il là d’un souhait ? D’un pari ? D’une hypothèse prospective ? Il s’agit au fond de bien plus que cela. Si des orientations pratiques pour l’avenir d’un système aussi complexe que le Web peuvent être tracées, elles doivent s’appuyer sur les seuls points de coordination possibles entre des acteurs trop divers et trop nombreux pour eux-mêmes se coordonner. Elles doivent s’appuyer sur les seuls éléments partagés : les principes fondateurs du projet.

Dire que la prochaine étape du développement du Web est la démocratisation de la capacité de l’organiser, c’est simplement constater que des trois brins d’ADN initiaux du Web, celui-là seul n’a pas atteint le niveau de développement des autres. Qu’il constitue à proprement parler la nouvelle frontière du projet.

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Vers le Web total

Mais s’il en est ainsi, dira-t-on peut-être, puisque les développements successifs du premier et du deuxième principe sont maintenant assurés, les techniques, les produits et les usages innovants ne devraient-ils pas aujourd’hui converger vers cette nouvelle frontière supposée ? C’est bien ce qui se dessine sous nos yeux : la troisième phase du Web est déjà lancée.

Les conditions, les besoins et les moyens sont réunis pour que le troisième principe du Web s’étende au-delà du petit groupe des professionnels et des pionniers.

Sur le plan des usages, les réseaux sociaux sont en train de populariser l’édition instantanée de contenus. Prés de 20% des twitts échangés contiennent des URLs. Facebook place l’échange de lien au sommet de sa hiérarchie de fonctionnalités. Chez nombre de passionnés du Web, la lecture des contenus proposés par une communauté remplace celle des aggrégateurs de flux automatisés.

Sur le plan des techniques, systèmes collaboratifs et « Web en temps réel » permettent à chacun de coordonner ses appréciations avec ses différentes communautés, d’organiser au fil de l’eau les éléments passant à sa portée. Le mouvement d’ouverture des données et les technologies sémantiques étendent à la fois la matière première d’organisation du Web et les moyens d’y accéder. Les interfaces riches offrent les moyens de simplifier à l’extrême les opérations d’édition et d’organisation, pour que chaque utilisateur puisse manipuler des données complexes de manière intuitive, ludique et naturelle.

Sur le plan des produits et des fonctionnalités, les géants du Web comme les start-ups les plus avancées se dirigent insensiblement vers le Web organisé par l’utilisateur. Les dernières innovations de Google ? Un système de collaboration généralisé – Wave – un système de discussion public de l’ensemble des contenus du Web – SideWiki – et l’ouverture de son moteur de recherche aux avis explicites et aux notations de ses utilisateurs.

C’est d’ailleurs le modèle hiérarchique et automatique du moteur de recherche que l’organisation du Web par ses utilisateurs s’apprête à remettre en cause. Wikia fut la première tentative notable de développement d’un moteur de recherche à algorithme collaboratif. Mahalo renforce maintenant la dimension humaine de la recherche en orchestrant les questions d’utilisateur à utilisateur. Pearltrees, précisément défini comme un réseau d’intérêt, permet aux membres de sa communauté d’organiser, de connecter et de retrouver naturellement l’ensemble des contenus qui les intéressent. Foursquare, à la différence des systèmes de géolocalisation qui l’ont précédé, ne s’applique pas aux personnes mais aux objets : les joueurs y organisent ensemble les lieux où ils ont l’habitude d’aller.

Les techniques, les produits et les usages issus des premières et deuxièmes phases ne vont pas pour autant s’effacer. La prochaine étape combinera au contraire les trois principes qui ont fait l’histoire et l’originalité du Web : elle fera de chacun à la fois un spectateur, un créateur et un organisateur.

Le Web sera alors pour tous ce qu’il fut pour un petit nombre : un média total, démocratique et démocratisé.

Patrice Lamothe

PDG de Pearltrees

> Article initialement publié sur Cratyle

> Illustrations par Robert Veldwijk, par psd et par Laughing Squid sur Flickr

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http://owni.fr/2010/03/12/la-troisieme-frontiere-du-web/feed/ 26
Stockez vos favoris dans votre admin wordpress ! http://owni.fr/2010/02/24/stockez-vos-favoris-dans-votre-admin-wordpress/ http://owni.fr/2010/02/24/stockez-vos-favoris-dans-votre-admin-wordpress/#comments Wed, 24 Feb 2010 09:11:14 +0000 imath http://owni.fr/?p=8937

Stockez vos favoris dans votre admin wordpress !

Visuel

Passer le blabla et aller au lien du téléchargement

Voici le widget #2 qui garnira prochainement l’intranet dont je m’occupe pour ma boîte. Rien de transcendant, presque inutile au regard des nombreuses solutions type netvibes, iGoogle ou autre.. Cependant, dans la galaxie intranet de ma boîte on ne pense pas beaucoup à l’utilisateur.. C’est le moins qu’on puisse dire ;) Pour mémoire lors de la publication de mon premier widget sur ce site, j’avais abordé rapidement l’équipement dernier cri dont nous disposons..!

J’attaque donc le point 2 de ma “roadmap” avec cet humble plugin dont l’objectif est de disposer d’un gestionnaire de favoris au sein de l’admin wordpress. Cette fois-ci, ayant récemment hérité d’un projet de développement Wordpress Mu, j’ai pensé à sa compatibilité pour la version single et multi du célèbre CMS.

Première vue : Liste des favoris

Liste des favoris

3 pictos pour successivement supprimer, modifier ou ouvrir le lien dans une nouvelle fenêtre précèdent chaque lien. Le lien “Paramétrer” sur la droite permet d’ajouter un favori.

Seconde vue : Ajout d’un favori

Ajouter un favori

2 text-inputs : alias et lien, un submit et c’est en BDD. Suite à l’ajout on reste sur cette vue l’histoire de ne pas multiplier les clics si on a besoin d’enchaîner plusieurs ajouts. Quand on a fini : on revient (lien “Revenir Liste”) à la vue “Liste des favoris” qui à l’aide d’un léger ajax se refresh :)

Troisième vue : Modifier un favori

Modifier un favori

Les mêmes text-inputs (il s’agit de la même div pré-remplie et enrichie d’une valeur dans 1 hidden (celle de l’id du booQy), un submit et c’est màj. Cette vue est déclenchée par le clic sur le picto modifier dans la vue 1

Voili c fini.. euh presque, si ça vous intéresse pour télécharger booQy c par ici ;)

> Retrouvez cet article sur imath.owni.fr

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http://owni.fr/2010/02/24/stockez-vos-favoris-dans-votre-admin-wordpress/feed/ 3
Et voici Qwicker ! http://owni.fr/2010/01/17/et-voici-qwicker/ http://owni.fr/2010/01/17/et-voici-qwicker/#comments Sun, 17 Jan 2010 19:16:43 +0000 imath http://owni.fr/?p=7028 plugin img from css-tricks.com

Passer le blabla et découvrir directement le plugin..

Dans le cadre de mes expérimentations #wordpress, et après 2,5 mois de mise en place, je me suis aperçu que l’espace d’administration pour les abonnés pouvait potentiellement rendre plus de services que la simple visualisation de son profil.

    Par ailleurs, le “contexte” de ma boîte m’a convaincu de travailler à enrichir cet espace :

  • > Navigateur : Internet Explorer 6 (si si !!)
  • > Pas d’espace personnalisé pour “stocker” ses flux rss, favoris
  • > Pas d’outil pour tout simplement lire des flux rss (Outlook v2000, dans le meilleur des cas) !!

Depuis ces fameux 2,5 mois, plus de 60 utilisateurs se sont abonnés à “mon” blog (en réalité celui de ma direction que je développe et maintient ;) ). D’ailleurs, dans la partie front, ma première action a été d’ajouter une page listant ces utilisateurs – une sorte de répertoire – et leurs coordonnées. J’ai baptisé cette page “la Communauté”. Or pour vraiment l’animer, il m’a semblé primordial de travailler à offrir des “gadgets” en vue de simplifier nos échanges et leur utilisation des ressources disponibles dans la galaxie Intranet de ma boîte.

Je me suis donc défini une “roadmap” des différents outils que je pensais utiles à l’enrichissement de leur expérience de notre site Intranet.

    Ma roadmap :

  • 1. Disposer d’un système d’alerte pour informer sur la disponibilité de mes autres applis
  • 2. Proposer un lecteur de flux RSS personnalisable et le rendre collaboratif
  • 3. Proposer un espace de stockage des bookmarks et le rendre collaboratif
  • 4. Faciliter la mise en bookmark des pages de la galaxie Intranet et des ressources Internet
  • 5. Mettre en place un service de “wiki” docs en vue de faciliter la rédaction collaborative

L’objectif à terme étant de faire de la page d’administration wordpress de notre site leur page d’accueil ;) Cet article se concentre sur le point 1. à savoir la mise en place d’un système d’alerte et d’échanges accélérés par rapport aux classiques mailing lists que je trouve inappropriées.

le “plugin” qwicker : fichier zip (12ko)

D’un objectif principal qui était de tenir informé de la disponibilité des applis que j’ai développé sur d’autres hébergements (flex, php..), je me suis dit : “tant qu’à faire autant mettre en place un espace d’échanges rapides accessible à tous les abonnés !”.
J’ai donc développé mon premier plugin wordpress en ce sens. Il s’agit d’un modeste “twitter” like.

Vue Dashboard
Illustration widget dans l’onglet Tableau de bord

Comme tout plugin, il suffit de dézipper la bête dans le répertoire /wp-content/plugins et de l’activer depuis le menu plugin de l’administration de wordpress.
Activation du plugin

Et hop! il est prêt à l’emploi ;) Voyons les fonctionnalités :

Inspection du nombre de caractères saisi :
140 pas plus
Twitter like oblige > 140 caractères max !

Au fur et à mesure de la saisie du “Qwick”, il est affiché le nombre de caractères restant. Pour cela, j’ai légèrement adapté l’excellent travail réalisé sur le plugin jquery JMaxInput et ajouter un évènement onsubmit qui compte la longueur de la chaîne de caractères.

Vérification de l’existence d’un utilisateur :
User unknown
Oops.. je sais j’ai délaissé FF pour Chrome, mais sur mon mac perso FF est vraiment trop long ;)

Il est possible d’adresser plus particulièrement un “qwick” à un destinataire. Pour ce faire je rajoute “@” devant le pseudo de l’utilisateur wordpress. j’utilise le pseudo de l’abonné car il est quoiqu’il arrive unique. Pour être sûr que “unknown” existe bien, sur submit un léger ajax va inspecter la liste des pseudos, si l’un d’entre eux n’est pas reconnu, le qwick n’est pas posté et un message informe sur le ou les utilisateurs inconnus.

Vérification de l’arrivée de nouveaux qwicks :
Nouveaux Qwicks
Permet de rafraîchir la page uniquement en cas de nouveaux qwicks en cliquant directement sur le lien.

Par défaut toutes les 6 secondes un appel ajax est réalisé pour savoir si de nouveaux messages ont été postés. Si cette périodicité est jugée trop régulière, il suffit de modifier les lignes 224 et 226 du fichier qwicker.php !

224: setTimeout(‘updatePost()’, 6000);
226: setTimeout(‘updatePost()’, 6000);

En cliquant sur le lien “Afficher le (les n) nouveau qwick(s)”, la timeline est rafraichie.

La pagination de la timeline :
Pagination
j’adore la fonction paginate_links de wordpress !

Par défaut, le nombre de qwicks affiché est fixé à 5. Cependant, vous pouvez augmenter ou diminuer ce dernier en changeant la variable $limit dans le fichier qwicker.php à la ligne 142 :

142: $limit = 5; # fixed

J’utilise la fonction paginate_links() de wordpress pour cette fonctionnalité. Et à l’usage je la préfère largement au plugin wp-paginate que j’utilise pour le loop classique de wordpress. En effet, lorsque j’utilise des customs queries, ce dernier renvoyant systématiquement la pagination du loop classique, paginate_links() me permet de précisément gérer leurs paginations.

L’utilisation des “gravatars” :
Gravatar
Pour le blog de ma boîte (Intranet), j’utilise plutôt le plugin user-photo

En vue de proposer simplement un avatar de l’utilisateur, la version du plugin que j’ai rendu disponible en téléchargement ici utilise gravatar : la fameuse fonction get_avatar([id_user], [taille avatar]).
Néanmoins, dans mon environnement professionnel, n’étant pas en mesure de faire des appels gravatar (Intranet) et n’étant pas certain que les utilisateurs aient effectivement un gravatar, j’utilise le plugin user-photo.

Conclusion

Pour améliorer la bête la version que je prévois de mettre en ligne propose l’affichage d’informations relatives à l’utilisateur (coordonnées, les 5 derniers qwicks, et les 5 derniers commentaires déposés sur le blog) à l’aide de thickbox. Dans un environnement fermé, ou si vous voulez faire un flux particulier au sein de votre blog pour vos utilisateurs, ce premier jet peut être intéressant. Autrement, je vous conseille de sonder la base des plugins pour directement intégrer twitter à votre blog ;) .
N’ayant pas encore testé la bête en live, si toutefois vous le faites, merci de me faire un feedback en déposant un commentaire ici.

    Rappel des ressources :

  • WPengineer.com : excellent tuto pour ajouter un élément au dashboard
  • Codex Wordpress : utilisation de paginate_links
  • JMaxInput : pour afficher le nombre de caractères tapé
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http://owni.fr/2010/01/17/et-voici-qwicker/feed/ 4
David Byrne : Stratégie de survie pour les artistes http://owni.fr/2009/12/08/david-byrne-strategie-de-survie-pour-les-artistes/ http://owni.fr/2009/12/08/david-byrne-strategie-de-survie-pour-les-artistes/#comments Tue, 08 Dec 2009 18:14:17 +0000 Hilaire Picault (Gonzaï) http://owni.fr/?p=6002 Titre original :

David Byrne : Stratégie de survie pour les artistes émergents – et les superstars

Publié en 2007 chez Wired, sous le titre  “Survival Strategies for Emerging Artists — and Megastars”, l’article de David Byrne reste -deux ans plus tard- d’une lucidité proche de la prophétie.

Industrie musicale chancelante (“Je travaille pour le bien des musiciens, mais je lutte pour mon CDI”), artistes le cul entre deux cierges (“Je prie pour signer un contrat, mais je prie aussi pour que ma musique soit entendue”) et public en voie d’extinction, tous les facteurs sont désormais réunis pour dire que yes, the times they are changing. Survival kit à l’attention de ceux qui veulent rester debouts, l’étude de Byrne prouve que même vieux, un ex-Talking Head peut encore rester une tête pensante. Avant la parution d’Hotel California de Barney Hoskyns (le récit des stars 70′ vérolées par l’argent. A lire absolument), avant la déconfiture actuelle d’une génération Myspace qui ne sait plus vers qui se tourner, “Survival Strategies for Emerging Artists — and Megastars” annonce tout: le passé, le présent et l’avenir de la musique.  Traduit ici en français, par Hilaire Picault, pour le plus grand nombre.

J’ai eu mon propre label. Ce label, Luaka Bop, existe toujours, bien que je ne sois plus impliqué dans sa gestion. Mon dernier album est sorti chez Nonesuch, une filiale de l’empire Warner Music Group. J’ai également sorti de la musique sur des labels indés comme Thrill Jockey, et j’ai fait presser des CD que je vendais pendant les tournées. Je pars en tournée tous les deux trois ans, et je ne considère pas ça comme une simple vente à perte pour vendre des CD. Donc, je connais les deux côtés de ce secteur. J’ai fait de l’argent, et je me suis fait dépouiller. J’ai connu la liberté artistique, et la pression de devoir faire des hits. J’ai eu affaire à des musiciens tarés qui se comportaient comme des divas, et j’ai vu des albums de génie fait par des artistes fabuleux être parfaitement ignorés. J’aime la musique. Je l’aimerais toujours. Cela m’a sauvé la vie, et je parie que je ne suis pas le seul à pouvoir dire ça.

Cependant, ce qu’on appelle l’industrie de la musique aujourd’hui n’est pas l’industrie de la production de musique. À un moment, c’est devenu l’industrie de la vente de CD sous boîtier plastique, et cette industrie n’existera bientôt plus. Mais ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour la musique, et à coup sûr, ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour les musiciens. En effet, avec tous les moyens disponibles pour toucher un public, les artistes n’ont jamais eu autant d’opportunités.

Qu’est-ce qui va se passer ? Et bien voilà ce qu’on nous prédit :

Certains voient cette tendance comme une calamité. Le fait que Radiohead ait commencé par mettre son dernier album en ligne et la défection de Madonna de Warner Bros pour Live Nation, un promoteur de concerts, sont considérés comme le signal de la fin de l’industrie de la musique telle que nous la connaissons. En fait, ce ne sont que deux exemples de l’accroissement des possibilités qu’ont les musiciens de travailler en dehors des liens traditionnels envers les labels. De nos jours, il n’y a pas voie unique dans ce commerce. En fait, j’ai pu dénombrer six modèles viables. Cette diversité est saine pour les artistes, elle leur donne plus de sources de revenus et de chances de gagner leur vie. Et c’est bon aussi pour le public qui pourra écouter plus de musiques – et des plus intéressantes. Prenons du recul et remettons les choses à leur place.

Qu’est-ce que la musique?

Tout d’abord, une définition des termes. De quoi sommes nous en train de parler ? Qu’est-ce qu’on achète et vend vraiment ici ? Auparavant, la musique était quelque chose qu’on allait entendre – c’était autant un événement social que purement musical. Avant que les techniques d’enregistrement n’existent, on ne pouvait pas séparer la musique de son contexte social. Chansons épiques et ballades, troubadours, divertissements de cour, musique d’église, chants chamaniques, rengaines de pubs anglais, musique cérémonielle, musique militaire, musique pour danser – à peu près toutes étaient liées à des fonctions sociales. C’était communautaire et bien souvent utilitaire. On ne pouvait pas l’emmener chez soi, la copier, la vendre comme une marchandise (en dehors des partitions, mais ce n’est pas de la musique), ni même la ré-écouter. La musique était quelque chose qu’on vivait, intimement lié à votre vie. Vous pouviez payer pour entendre de la musique, mais après, c’était fait, c’était disparu – un souvenir.

Au 20e siècle, la technologie a changé tout cela.

La musique – ou du moins son artefact enregistré – est devenue un produit, une chose qu’on pouvait acheter, vendre, négocier, et rejouer indéfiniment dans n’importe quel contexte. Cela a renversé l’économie de la musique, mais nos instincts humains sont restés intacts. Je passe beaucoup de temps des écouteurs dans les oreilles à écouter de la musique enregistrée, mais je continue de sortir pour me joindre à la foule d’un public. Je chante pour moi-même, et, oui, je joue d’un instrument (pas toujours bien).

Nous voudrons toujours que la musique fasse partie de notre tissu social : se rassembler aux concerts et dans les bars, même si le son craint ; faire passer la musique de main en main (ou par Internet) comme une forme de monnaie sociale ; construire des temples où seuls des “gens de notre genre” peuvent écouter de la musique (les opéras et salles de concerts symphoniques) ; vouloir en savoir plus sur nos bardes préférés – leur vie amoureuse, leurs vêtements, leurs convictions politiques. Ce qui trahit une impulsion permanente d’avoir un environnement bien au delà d’un morceau de plastique. On peut dire que cette pulsion fait partie de notre patrimoine génétique.

C’est de tout cela que nous parlons quand nous parlons de musique. Tout.

Que font les maisons de disques ? Ou, plus précisément, que faisaient-elles ?

» Financer des sessions d’enregistrement.
» Fabriquer le produit.
» Distribuer le produit.
» Commercialiser le produit.
» Emprunter et avancer l’argent pour les dépenses (tournées, clips, coiffure et maquillage).
» Conseiller et guider les artistes quant à leurs carrières et enregistrements.
» Gérer la comptabilité.

Voilà le système qui a évolué tout au long du siècle passé afin de commercialiser le produit, c’est-à-dire le contenant – vinyle, cassette, disque – qui véhiculait la musique. (Appeler ce produit de la musique c’est comme vendre un caddy et appeler ça de l’alimentation.) Mais beaucoup de choses ont changé au cours de la dernière décennie, réduisant le coût de ces services pour les artistes.

Par exemple :

Les coûts d’enregistrement sont presque tombés à zéro. Avant, les artistes avaient besoin des labels pour financer leurs enregistrements. La plupart n’avaient tout simplement pas les 15 000$ nécessaires (au minimum) pour louer un studio professionnel et payer un ingénieur et un producteur. Pour de nombreux artistes – peut-être même la majorité – ce n’est plus le cas. Maintenant, on peut faire un album sur le même ordinateur qui sert à consulter vos emails.

La fabrication et les coûts de distribution se rapprochent de zéro. Auparavant, il y avait une ligne en-dessous de laquelle il était compliqué de diffuser un enregistrement. Avec les vinyles et les CDs, il y avait des coûts de base de fabrication, d’impression, d’expédition, etc. C’était rentable – en fait, c’était essentiel – de vendre en grands volumes, car c’était comme ça qu’on amortissait nombre de ces coûts. C’est fini : La distribution numérique est quasiment gratuite. La distribution n’est pas moins chère à l’unité pour un million d’exemplaires que pour une centaine.

Une tournée, ce n’est pas seulement de la promotion. Les lives ont été considérés essentiellement comme un moyen de communiquer pour une nouvelle sortie – un moyen d’arriver à ses fins, et non une fin en soi. Les groupes s’endettaient pour pouvoir tourner, escomptant récupérer leurs pertes plus tard en ayant augmenté les ventes de disques. Ce qui, pour être franc, est complètement faux. C’est rétrograde. Le live est une chose en soi, une compétence distincte, différente d’enregistrer des albums. Et pour ceux qui savent le faire, c’est une façon de gagner sa vie.

Alors, avec tous ces changements, qu’arrive-t-il aux labels ? Certains vont survivre. Nonesuch, où j’ai fait plusieurs albums, a prospéré sous la propriété de Warner Music Group en fonctionnant avec un personnel réduit de 12 personnes et en restant concentré sur le talent. “Les artistes comme Wilco, Philip Glass, K.D. Lang, et d’autres ont vendu plus que quand ils étaient dans des soit-disant majors” me disait Bob Hurwitz, président de Nonesuch, “même en période de crise.”

Mais certains labels vont disparaître, étant donné que les fonctions qu’ils remplissaient sont aujourd’hui découpées et servies par d’autres services plus économes. Lors d’un récent entretien que j’ai eu avec Brian Eno (qui produit le prochain album de Coldplay et écrit pour U2), il était enthousiaste à propos de I Think Music – un réseau en ligne de groupes indés, de fans et de boutiques – et pessimiste quant à l’avenir des labels traditionnels. “Structurellement, ils sont beaucoup trop grands“, disait Eno. “Et ils sont complètement sur la défensive aujourd’hui. Leur seule idée, c’est qu’ils peuvent vous offrir une grosse avance – ce qui reste attirant pour un grand nombre de jeunes groupes qui débutent. Mais c’est tout ce qu’ils représentent aujourd’hui : un capital.” Alors, où les artistes trouvent leur place dans ce paysage changeant ? Nous trouvons de nouvelles options, de nouveaux modèles.

Les six possibilités

Là où il y n’en avait qu’un, maintenant il y en a six : Six modèles potentiels de distribution de musique, allant de celui où l’artiste n’intervient pas à celui où l’artiste fait pratiquement tout. Sans surprise, plus l’artiste est impliqué, plus il ou elle peut faire de profit sur chaque unité vendue. Le modèle autonomiste débrouillard n’est clairement pas pour tout le monde – mais justement. Maintenant, on a le choix.

1. À une extrémité de l’échelle se trouve le 360 degrés ou contrat par actions, où chaque aspect de la carrière de l’artiste est géré par les producteurs, promoteurs, responsables marketing, et les managers. L’idée est qu’on peut atteindre la saturation du marché et de fortes ventes en étant soutenu par une puissante machine dont le travail est de générer du profit à partir de tout ce que vous faites. L’artiste devient une marque, détenue et exploitée par le label, ce qui, en théorie, donne à cette entreprise une perspective à long terme et un intérêt à développer la carrière de cet artiste.
Les Pussycat Dolls, Korn, et Robbie Williams ont pris de telles dispositions, vendant leurs actions dès qu’ils touchent à quelque chose. Les T-Shirts, les disques, les concerts, les vidéos, la sauce barbecue. L’artiste obtient en général une importante avance. Mais je doute qu’on laisse les décisions artistiques dans ses mains. En règle général, là où le cash entre, le contrôle artistique sort. L’actionnaire associé ayant trop d’intérets en jeu. C’est le type de contrat que Madonna vient de signer avec Live Nation. Pour une somme rapportée de 120 millions de dollars, cette entreprise – qui jusqu’ici gérait surtout la production et la promotion de concerts – récupère à la fois une part de ses concerts et de ses ventes de musique. Pour ma part, je ne voudrais pas être redevable de Live Nation – une filiale de Clear Channel, le conglomérat radiophonique qui a transformé les ondes américaines en petite bière. Mais Madge est une maligne ; elle a toujours été encline à contrôler ses propres affaires, alors on verra.

2. Ensuite vient ce que j’appellerais un contrat de distribution classique. C’est plus ou moins ce avec quoi j’ai vécu pendant plusieurs années quand j’étais membre des Talking Heads. La maison de disque finance l’enregistrement et gère la fabrication, la distribution, les services de presse , et la promotion. L’artiste touche un pourcentage de royalties une fois tous ces autres coûts payés. Dans ce type de scénario, le label possède les droits de l’album. Pour toujours.
Un autre piège avec ce type de contrat : bien souvent la pop star typique vit avec une dette envers sa maison de disque et une foule d’autres entités, et si elles traversent une période de vaches maigres, elles peuvent finir ruinées. Michael Jackson, MC Hammer, TLC – le danger de la dette et du dépassement est de l’histoire ancienne. Visiblement, le coût de ces services ainsi que les frais généraux de la maison de disque justifient pour une grande partie le prix des CD. Vous, l’acheteur, payez pour tous ces camions, ces usines de CD, ces entrepôts, et tout ce plastique. En théorie, étant donné que nombre de ces coûts disparaissent, ils ne devraient plus être plus être à la charge du consommateur – ou de l’artiste.

Bien sûr, plusieurs de ces services traditionnellement offerts par les labels dans un contrat classique sont désormais sous-traités. Les services de presse et la publicité, le marketing en ligne, les designer graphiques – tous sont bien souvent exécutés par de plus petites sociétés indépendantes. Mais celui qui paie le bal mène la danse. Si la maison de disque paie les sous-traitants, alors la maison de disque décide au final à qui ou quoi va la priorité. S’ils n’y “voient pas de single”, ils peuvent vous dire que l’album ne sortira pas.

Alors que se passe-t-il quand les ventes en ligne éliminent nombre de ces charges ? Regardez iTunes : 10$ [NDT : env. 7€] pour télécharger un “CD”, cela reflète les économies de coûts d’une distribution en ligne, ce qui semble équitable – de prime abord. C’est  certainement mieux pour les consommateurs. Mais une fois qu’Apple a pris ses 30%, le pourcentage de royalties s’applique et l’artiste – surprise ! – ne s’en sort pas mieux. Ce n’est pas une coïncidence si les conséquences sont similaires à celles de la récente grève des auteurs d’Hollywood. Est-ce que les artistes vont se rassembler et faire la grève?

3. Un contrat de cession est similaire au contrat classique, à l’exception que dans ce cas l’artiste conserve les droits et la propriété des bandes originales de l’enregistrement. Le droit d’exploiter cette propriété est concédée à un label pour un laps de temps limité – habituellement sept ans. Passé cela, les droits de cession pour des émissions de télé, des publicités et assimilées, reviennent à l’artiste. Si les membres de Talking Heads détenaient les droits des bandes originales de de notre catalogue aujourd’hui, nous gagnerions deux fois plus sur nos droits d’auteur – et pour des artistes comme moi c’est la principale source de revenus. Si un groupe a fait le disque lui-même et n’a pas besoin d’aide financière ou artistique, ce modèle vaut le coup d’oeil. Il permet une meilleure liberté artistique, puisque les types en beaux costumes y interviennent moins. Le revers de la médaille c’est qu’étant donné que le label ne possède pas les bandes originales, il est probable qu’il investisse moins dans cette sortie pour en garantir le succès.
Mais avec le bon label, le contrat de cession peut être un formidable moyen de réussite. C’est le lien qu’Arcade Fire a avec Merge Records, un label indé qui s’en est très bien sorti avec ses groupes en évitant l’approche gros-label, grosses dépenses. “Il s’agit en partie de rester réaliste et de ne pas se mettre à découvert” explique Mac McCaughan, le cofondateur de Merge. “Les groupes avec lesquels on travaille, on ne leur conseille jamais de faire de clips. J’aime bien les clips, mais ça ne fait pas vendre énormément de disques. Ce qui fait vraiment vendre c’est la tournée - et les artistes peuvent vraiment gagner de l’argent en tournant s’ils arrivent à limiter leurs dépenses.

4. Ensuite il y a le contrat de participation aux bénéfices. J’ai fait quelque chose de ce genre pour mon album Lead Us Not Into Temptation en 2003. J’ai reçu une avance minime de la part du label, Thrill Jockey, étant donné que les coûts d’enregistrement étaient couverts par un budget de bande-son de film, et nous avons partagé les bénéfices dès le début. Je conservais la propriété des bandes. Thrill Jockey fait un peu de marketing et de promo. J’ai peut être vendu moins de disques que je l’aurais fait avec une plus grande société ou non, mais au final j’ai remporté une plus grosse part par unité vendue.

5. Dans un contrat de fabrication et distribution, l’artiste fait tout à l’exception, et bien, de la fabrication et la distribution du produit. Souvent, les entreprises qui pratiquent ce genre de contrats proposent également d’autres services, comme le marketing. Mais compte tenu des volumes, elles ne s’attendent pas à gagner beaucoup, donc dans ce cas leur motivation est limitée. Les grandes maisons de disques ne font traditionnellement pas de contrat de F&D.
Dans ce scénario, l’artiste a un contrôle absolu sur la direction artistique, mais le pari est plus risqué. Aimee Mann fonctionne comme ça, et cela marche vraiment bien pour elle. Michael Hausman, le manager de Mann, me disait : “Beaucoup d’artistes ne se rendent pas compte de combien d’argent ils pourraient gagner en conservant leurs droits et en gérant directement leurs cessions“. “Si c’est fait comme il faut, on est rapidement payé, et payés encore et encore. C’est une source de revenus formidable.

6. Finalement, à l’extrémité de l’échelle, il y a le modèle d’auto-distribution, où la musique est auto-produite, auto-composée, auto-jouée, et auto-markettée. Les CD sont vendus lors des concerts ou via un site web. La promotion est une page Myspace. Le groupe achète ou loue un serveur pour gérer les ventes de téléchargements. Dans les limites de ce qu’ils peuvent se permettre, les artistes ont le contrôle artistique complet. En pratique, particulièrement dans le cas des artistes émergents, cela peut signifier une liberté sans ressources – une forme d’indépendance plutôt abstraite. Pour ceux qui projettent d’emmener leur matériel sur la route et en live, les contraintes financières limitent encore plus. Les orchestres de fond, les écrans géants et les vidéos, et les éclairages high-tech bizzares ne sont pas données.

Radiohead a adopté ce modèle d’autonomie pour vendre In Rainbows en ligne – et est allé un cran plus loin en laissant ses fans donner le prix de leur choix au téléchargement. Ils n’étaient pas les premiers à faire cela – Issa (connue auparavant sous le nom de Jane Siberry) fut la pionnière il y a quelques années du modèle payez-ce-que-vous-voulez – mais le coup de Radiohead était de plus large stature. C’est peut être moins risqué pour eux, mais c’est un signe évident du vrai changement à l’oeuvre. Comme me l’a dit l’un des managers de Radiohead, Bryce Edge : “L’industrie a réagit comme si la fin était proche. ‘Ils ont dévalué la musique, ils la donnent pour rien’. Ce qui n’était pas vrai : Nous avons demandé aux gens de lui donner une valeur, ce qui est une toute autre sémantique pour moi.

De ce côté du spectre, l’artiste s’attend à recevoir le plus large pourcentage de bénéfice par par unité vendu – peu importe une vente de quoi. Un plus gros pourcentage de plus petites ventes, très probablement, mais pas toujours. En fait les artistes qui font tout par eux-mêmes peuvent gagner plus d’argent que les méga pop-stars, même si les chiffres des ventes peuvent sembler minuscules en comparaison. Évidemment, tout le monde n’est pas aussi rusé que les vieux renards de Radiohead. On ne devrait peut-être mieux pas donner le volant à Pete Doherty.

Liberté contre pragmatisme

Ces modèles ne sont pas définitifs. Ils peuvent muter et évoluer. Au départ Hausman et Mann ont pris la voie de l’autonomie totale, recevant des commandes et expédiant des CD par enveloppes Chronopost ; puis plus tard, ils ont cédé les droits des albums à des distributeurs. Et les choses changent avec le temps. A l’avenir, nous verrons plus d’artistes choisir ces différents modèles ou mélanger et assembler différentes versions de ceux-ci. Pour les artistes en place ou émergents – qui s’intéressent à l’écroulement du marché de la musique – c’est en fait une époque formidable, pleine d’options et de possibilités. L’avenir des carrières dans la musique est grand ouvert.

Nombre de ceux qui choisissent de prendre une avance en cash ne sauront jamais qu’une approche à long terme aurait peut être été plus sage. Les mega pop stars auront toujours besoin d’un sérieux coup-de-pouce et d’un soutien marketing pour leur nouvel album que seules les maisons de disques traditionnelles peuvent fournir. Pour les autres, ce qu’on appelle un label pourra être remplacé par une petite entreprise qui centralise les revenus et les factures de diverses entités et tient les comptes. Un consortium d’artistes moyens suffirait à faire fonctionner ce modèle. United Musicians, l’entreprise créée par Hausman, en est un bon exemple.

Je conseillerais personnellement aux artistes de conserver leurs droits d’édition (enfin, autant que possible). Les royalties sont ce que versent les éditeurs quand quelqu’un reprend, sample, ou utilise votre chanson dans un film ou une publicité. Pour un compositeur, c’est votre plan de retraite ça.

De plus en plus, les artistes ont également la possibilité de conserver les droits d’auteur de leurs enregistrement. Ce qui leur garantit une part du lucratif gâteau des royalties de plus, et leur donne le droit d’exploiter leur œuvre dans les média du futur – les neuro-implants musicaux et compagnie.

Aucun modèle ne fonctionnera pour tous. Il y a de la place pour tout le monde. Certains artistes sont les Coca-Cola et le Pepsi de la musique, tandis que d’autres sont les grands vins – ou les terribles eaux-de-vie “faites-maison”. Et c’est très bien comme ça. J’aime bien Umbrella de Rihanna et Ain’t No Other Man de Cristina Aguilera. Parfois, un soda bien basique est exactement ce dont vous avez envie – juste pas au prix de l’autre truc. Il n’y a pas si longtemps, cela ressemblait souvent à tout ou rien, mais peut être que maintenant on ne sera pas obligé de choisir.

En fin de compte, tous ces scenarii doivent satisfaire les mêmes besoins humains : à quelles fins avons-nous besoin de musique ? Comment fait-on pour visiter où la musique nous conduit, ces terres dans nos têtes et ces lieux dans nos coeurs ? Puis-je avoir un billet aller-retour ? Sérieusement, est-ce que ce n’est pas ça qu’on veut acheter, vendre, échanger ou télécharger ?

David Byrne
Graphiques : Jupiter Research, Recording Industry Association of America, Almighty Institute of Music Retail, Wired Research

Traduction: Hilaire Picault
Texte original: http://www.wired.com/entertainment/music/magazine/16-01/ff_byrne


» Article initialement publié sur Gonzaï

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“Nous sommes au bord du précipice et nous allons faire un pas en avant” http://owni.fr/2009/09/09/%e2%80%9cnous-sommes-au-bord-du-precipice-et-nous-allons-faire-un-pas-en-avant%e2%80%9d/ http://owni.fr/2009/09/09/%e2%80%9cnous-sommes-au-bord-du-precipice-et-nous-allons-faire-un-pas-en-avant%e2%80%9d/#comments Wed, 09 Sep 2009 12:56:10 +0000 Montpellier Journal http://owni.fr/?p=3377 Pierre Rabhi est agriculteur et écrivain. Il a été candidat à l’élection présidentielle française en 2002. Son programme mettait notamment en avant la décroissance soutenable et appelait à “l’insurrection des consciences”. Il était invité jeudi au Corum par la Société anthroposophique pour une conférence intitulée : “En mouvement pour la terre et l’humanisme”. En cette rentrée scolaire où la tentation est grande de remettre la tête dans le guidon, Montpellier journal a pensé qu’il n’était peut-être pas inutile de porter à la connaissance de ses lecteurs, le contenu de cette conférence.

Pierre Rabhi au Corum de Montpellier, le 27 août 2009 (photo : Mj)Il est, en effet, facile d’établir des liens entre l’histoire de l’Humanité, ses transgressions et ses dérives, brossée par le conférencier devant 150 personnes et des sujets locaux comme la croissance urbaine, le doublement de l’A9, Velomagg’, le tramway, Agrexco, Odysseum, les déchets, la publicité, etc.

Pierre Rabhi préside l’association Colibris qui tire son nom d’une légende amérindienne :
“Un jour,
dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit :
« Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit :
« Je le sais, mais je fais ma part. »

L’article qui suit peut se lire et s’écouter en partie. Le son intégral est à la fin. Après l’état des lieux, une deuxième partie traitera des “utopies d’aujourd’hui qui sont les solutions de demain”.

“Nous sommes plus que jamais sommés de changer
pour ne pas disparaître”

“La planétarisation de tous les problèmes” ou pourquoi “nous sommes plus que jamais sommés de changer pour ne pas disparaître.”

Écouter le son (1 min) :

“Sur une échelle de 24h, l’être humain est sur la terre depuis 2 minutes. [...] Cette créature semble retourner contre la nature tout ce qu’elle en reçoit.”
Écouter le son (2 min) :

Comment la nature “aurait pris le risque de l’être humain”
“J’avais écrit un poème style genèse où j’imagine la planète terre se préparant. Bien avant notre avénement, elle se prépare, elle se fait belle.”
Écouter le son ou (1′15) :

Quand l’être humain se considère “comme appartenant à la vie” puis bascule vers “la vie m’appartient”.
“C’est là où se fait le clivage entre les peuples que l’on dit primitifs mais qui ont la sagesse de reconnaître qu’ils font partie de cette vie et qu’ils sont donc une des belles manifestations de la vie.”
Écouter le son (1′30) :

Le moment de la transgression : l’agriculture et la naissance du stockage
Écouter le son (1′) :

“On est passé des spiritualités libres dans lesquelles chacun ressentait les choses au clergé c’est-à-dire à la spiritualité administrée et organisée. Elle s’est accompagnée de l’avénement des civilisations. [...] Le problème de la civilisation c’est que l’être humain sort de ce qui lui revient légitimement et ce qu’il reconnaît comme ce qui entretient sa vie à outrepasser ce qui est légitime c’est-à-dire qu’il va vouloir maîtriser beaucoup plus de choses.”
Écouter le son (2′45) :

“Certains peuples sont allés si loin  qu’ils sont ensevelis
sous le sable des déserts qu’ils ont provoqués”

“La civilisation sort des strictes limites de ce qui est nécessaire pour aller vers le superflux. [...] Au fur et à mesure qu’on avance dans ce qu’on appelle “le progrès” c’est-à-dire quand l’être humain entre en civilisation, cela s’accompagne d’un dépouillement graduel de cette fourrure vivante qu’on appelle la biosphère. Certains peuples sont allés si loin qu’ils sont ensevelis sous le sable des déserts qu’ils ont provoqués. [...] Petit à petit, notre histoire s’est enclenchée sur cet espèce de malentendu qui a fait que l’être humain a perdu toute satisfaction sans se donner aucune limite. Et ne se donnant aucune limite, partout, nous n’avons plus perçu la planète comme un magnifique oasis, un véritable miracle extraordinaire.”
Écouter le son (4′30) :

“Au lieu de considérer la planète comme un don extrêmement rare, nous la considérons comme un gisement de ressources qu’il faut épuiser jusqu’au dernier poisson, jusqu’au dernier arbre. [...] Nous sommes en danger parce que ces pulsions que nous avons depuis les origines sont maintenant efficacement instrumentalisées. Entre les hommes qui coupaient les arbres avec une cognée et une hache et ceux qui disposent d’une tronçonneuse, ce n’est quand même pas la même chose.”
Écouter le son (1′10) :

Comment Pierre Rabhi n’a pas réussi à acheter un arbre de plusieurs siècles à son voisin pour éviter que celui-ci ne l’abatte en 20 minutes. Une illustration de “la capacité de l’être humain à être un prédateur”.
“Nous sommes au bord du précipice et nous allons faire un pas en avant. Il ne faut surtout pas faire ça. Il faut donc comprendre que nous avons à repenser le monde et la vie. Mais on ne pourra pas le faire si on n’intègre pas l’aspect sacré de la vie. Ça ne veut pas dire spirituelle. Le sacré pour moi c’est reconnaître la vie en toute chose.”
Écouter le son (2′30) :

“Le lion n’a pas de banque ni d’entrepôt d’antilopes”

La télé, le milliardaire et la prédation humaine. “Je ne veux pas qu’on compare la prédation animale et humaine. Le lion n’a pas de banque ni d’entrepôt d’antilopes.”
Écouter le son (3′15) :

Les Sioux : frugaux dans l’abondance
“L’écologie c’est une leçon magnifique d’économie. Aujourd’hui on parle d’économie alors qu’il n’y a rien qui n’a moins mérité le nom d’économie que l’économie. [...] Il faut appeler ça la prédation généralisée, l’insatiabilité permanente mais ce n’est certainement pas l’économie.”
Écouter le son (2′25) :

“Il y a une urgence écologique et humaine absolue qui ne peut pas souffrir d’être différée. Qu’avons-nous comme réponses ? On va créer des Grenelles, il y a le développement durable. Mais quel développement durable ? Quel Grenelle ? L’enjeu est tellement énorme ! Politique, géopolitique. Pendant qu’on essaye de nous faire faire quelques économies d’énergie, du bricolage, vous avez la Chine qui est en train de polluer avec les mines… La prédation s’est accélérée. Quand on vous dit, par exemple, que l’Indonésie a augmenté son PIB ou son PNB de 10 %, on ne vous dit jamais que ça se traduit par la destruction de X milliers d’hectares de forêt. La nature et les biens de la nature sont considérés comme des éléments qui font du fric mais on ne prend pas en compte que c’est le patrimoine collectif indispensable à aujourd’hui et à demain qu’on est en train de dilapider.”
Écouter le son (2′15) :

“La nature n’as pas de poubelle, tout ce qu’elle produit elle le recycle. Nous, nous sommes dans un système où tout ce que nous produisons se traduit par 30-40 % de déchets. C’est-à-dire des choses absolument inutiles et qui participent à l’accélération de l’épuisement des ressources de cette planète.”
Écouter le son (1′15) :

“Je n’ai jamais trouvé une femme qui ait inventé un engrenage”

“La naissance de ce avec quoi j’ai un énorme contentieux : “la modernité”. C’est-à-dire le mythe fondateur de “la modernité” : un être humain triomphant c’est-à-dire prométhéen et qui n’a cure ni de la nature ni du vivant. Seulement il a instauré un système dans lequel la rationalité a pris tellement d’importance que cette rationalité a occulté nos autres façons d’appréhender le monde comme l’ont fait depuis longtemps nos ancêtres c’est-à-dire pas seulement par l’intellect mais par leurs sensations, leur intuition.”
Écouter le son (2′05) :

“Je n’ai jamais trouvé une femme qui ait inventé par exemple un engrenage, une manivelle. Ca ne semblait pas les intéresser. [...] Il y a une forme de masculinisation de notre paradigme qui a exacerbé tout le côté violent, puissance. C’est un espèce de diktat permanent, mental, partout. Et je ne le dis pas parce que je suis jaloux, ce n’est pas une question de biceps. Il y a des biceps aussi symboliques, il n’y a pas que les biceps physiologiques. La force ! Et cette force a généré un antagonisme structurel qui a abouti à une fragmentation de notre système vivant. [...] Chaque nation est circonscrite dans son territoire qui vise à survivre et donc c’est l’antagonisme et la compétitivité économique et militaire. En s’enfermant dans des frontières sécuritaires qui sont censées produire de la sécurité, ça produit de l’insécurité. Et l’insécurité va nous amener à dire : “Il faut des armements pour défendre”, etc. Et ça justifie toutes ces horreurs, toutes ces inventions complètement stupides et négatives qui démontrent bien que l’espèce humaine n’est pas intelligente. Si nous étions intelligents, on n’en serait pas là où on en est aujourd’hui.”
Écouter le son (3′05) :

Transporter une personne avec une voiture ?
“C’est comme jouer au billard avec une poutre”

“La fragmentation a même atteint la médecine. On fait de la dissection, on étudie le corps humain et les organes et puis chacun s’empare d’un organe et en fait sa spécialité. Ce qui fait que vous rentrez dans le Taylorisme. Aujourd’hui pour être soigné, c’est énorme : vous allez voir quelqu’un qui s’occupe d’une oreille, quelqu’un qui s’occupe du pied, le troisième s’occupe… Et on est en train de courrir d’un spécialiste à l’autre. Alors qu’en fait, à l’évidence, notre corps et notre esprit sont un et indivisible. Par conséquent, la sagesse des médecines chinoises, etc. était beaucoup plus juste en disant c’est une globalité. Non seulement l’individu est global mais il est inscrit aussi dans l’univers.”
Écouter le son (1′10) :

“Qu’a fait la révolution industrielle ? Elle a exhumé la matière morte du sous-sol qu’elle a exaltée. Et aujourd’hui nous sommes dans une civilisation minérale et de la combustion énergétique. [...] Quand on est deux, on peut dire que le ratio est à peu près bon mais quand je suis tout seul dans ma voiture, je pèse 52 kg, ma voiture pèse 1,5 tonnes,… Jamais il n’y a eu une logique pareille de dire qu’il faut une 1,5 tonnes pour déplacer 52 kg. C’est complètement aberrant, stupide. C’est comme jouer au billard avec une poutre. C’est aussi stupide que ça. Et ça c’est très symbolique du non-sens dans lequel nous sommes tombés.”
Écouter le son (1′45) :

“L’outil qui était censé nous servir est en train de nous asservir”

“La voiture nous a fait percevoir le temps et l’espace autrement. Nous avons organisé notre espace de vie dans la dispersion : l’école là-bas, le travail de l’autre côté, les commerces là-bas, etc. Ce qui fait que la voiture est devenue indispensable parce qu’elle relie les différents pôles nécessaires à notre existence. Ce qu’avant, on faisait intelligent avec ses jambes. On rapprochait au moins les choses entre elles. Cette dispersion a amené un système qui nous a installés dans le traquenard où nous ne pouvons plus nous passer de nos outils. C’est-à-dire que l’outil qui était censé aider, améliorer la provision, est devenu indispensable. Aujourd’hui, j’entends dire : « Ah ! l’ordinateur ne fonctionne pas », etc. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l’outil qui était censé nous servir est en train de nous asservir.”
Écouter le son (1′10) :

“Cet asservissement fait qu’il y a des outils que nous amenons comme une substitution aux défaillances humaines. Aujourd’hui nous avons des outils de communication mais de moins en moins de relations. Le manque de relations est pallié par la communication. De plus, ce sont des outils qui connectent les solitudes puisque nous sommes dans une société de la solitude. Ça ne veut pas dire que je suis contre ces outils. Ils sont devenus extrêmement perfectionnés mais la conscience qui les utiliserait rationnellement en les subordonnant, en les maintenant comme des outils, n’est pas assez évoluée pour pouvoir en faire des outils utiles. [...] Tout ça fait partie de cette évolution dans laquelle nous ne nous rendons pas compte que la civilisation industrielle est passée par l’exhumation de la matière morte retournée contre la biosphère et ensuite surtout par l’aliénation humaine.”
Écouter le son (1′55) :

“Des hypernantis qui font une concentration extraordinaire
de tout l’effort collectif”

“Le progrès censé – censé – améliorer la condition humaine a provoqué, au contraire, une parité entre le Nord et le Sud qui est catastrophique. C’est-à-dire que les pays disposant de technologies, avancent, à grande vitesse – sans savoir exactement où ils vont et puis il y a quatre cinquième de l’Humanité qui essayent de les suivre. Comme elle peut. [...] Vous avez un système pyramidal mondial dans lequel vous avez des hypernantis qui font une concentration extraordinaire de tout l’effort collectif et puis vous avez la frange des indigents. Ce que nous sommes en train aujourd’hui de vivre par le fait même que l’Humanité subit cette partition et cette partition fait que l’Humanité se déséquilibre.”
Écouter le son (1′30) :

L’expérience de l’entreprise
“Je voyais que dans ce microcosme là, il y avait ce que déterminait l’ensemble du système social c’est-à-dire la productivité, la divinisation du travail. Ah ! le travail. Le travail. Travailler. Je veux bien travailler, d’accord mais à condition que le résultat de mon travail s’inscrive dans une équité et pas dans une disparité.”
Écouter le son (2′30) :

L’arrivée des mines de charbon dans le sud algérien ou le bouleversement d’un système social
“Dans les premiers temps, dans ces milieux là, quand ils avaient perçu leur salaire certains ne revenaient pas travailler ou revenaient un mois après.Quand ils revenaient travailler, on leur sonnait les cloches, comme on dit et ils répondaient naïvement : « Mais monsieur, je n’ai pas fini de dépenser mes sous. » C’est-à-dire pour eux : « Puisque j’ai de quoi vivre, eh bien je vis. Voilà. »”
Écouter le son (2′05) :

“Je ne veux pas qu’on m’appelle consommateur,
c’est une insulte”

“Mais travailler pour travailler pour travailler pour accumuler, etc. c’est ce qu’on trouve dans notre système. Cette divinisation du travail pour la productivité en tant que telle, deuxième facteur important du monde moderne. Y’en a trop ? Ça ne fait rien, on continue. Y’a trop de produits agricoles ? C’est pas grave, vous continuez, c’est subventionné, etc. Cette outrance et cet excès sont quelque chose d’absolument ahurissant. Tout cela sous la bannière d’un progrès qui est censé améliorer la condition humaine. Cette aliénation n’est pas prise en compte comme faisant partie véritablement des pertes et profits d’un système dont le métabolisme est de produire de la finance – et même plus de l’argent – peu importe les effets produits sur la communauté humaine et les citoyens. C’est ce que nous voyons aujourd’hui : peu importe les citoyens, on les met dehors pourvu qu’on sauvegarde la capacité à produire des ressources.

Et tout ça, c’est la bannière de : “Vous allez voir ce que vous allez voir, la modernité, la science, la technique vont libérer l’être humain.” [...] Quand on examine l’itinéraire d’un être humain dans la modernité, qu’est ce qu’on retrouve, de sa naissance à sa mort ? De la maternelle jusqu’à l’université, il est enfermé. Ensuite, il y a les casernes pour les hommes – un peu moins maintenant. Et quand on demande aux gens où ils travaillent, tout le monde travaille dans des boîtes : “Je travaille dans une petite boîte.” “Je travaille dans une grande boîte”. Et même pour aller s’amuser, on va en boîte. On y va comment ? On prend sa caisse. Et puis vous avez la boîte où on stocke les vieux en attendant la dernière boîte. Comme destinée, il y a quand même à se poser des questions. Ça, ça s’appelle l’aliénation de l’être humain manipulé par un système qui ne lui dit jamais satisfaction mais toujours insatisfaction. C’est-à-dire comment faire la frustration programmée. Toujours plus, toujours plus, toujours plus. Indéfini, sans aucune limite. Et l’être humain manipulé pour qu’il ne soit jamais satisfait. Toujours quelque chose.

Et la publicité ? On accuse beaucoup les sectes soit disant de manipuler mais la publicité le fait 24h/24 légalement. Elle manipule les êtres humains à être toujours insatisfaits. Et on nous appelle consommateurs. Je ne veux pas qu’on m’appelle consommateur, c’est une insulte. Je suis d’abord un être humain avant d’être un consommateur. Vous voyez ces petites nuances qui n’ont l’air de rien mais qui sont extrêmement importantes. Aujourd’hui, pouvons-nous être conscients de notre inconscience ? Tout le problème est là.”
Écouter le son (3′15) :

Écouter le son intégral de la première partie (48′) :

Télécharger le son intégral de la première partie (fichier Mp3 de 44 Mo)
Télécharger le son intégral de la deuxième partie (fichier Mp3 de 48 Mo)

> La deuxième partie de cette conférence : “Une famine universelle est en train de se préparer”, à apprécier sur Montpellier Journal

Voir aussi :

Terre et humanisme, association initiée par Pierre Rabhi

Colibris – Mouvement pour la Terre et l’humanisme

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http://owni.fr/2009/09/09/%e2%80%9cnous-sommes-au-bord-du-precipice-et-nous-allons-faire-un-pas-en-avant%e2%80%9d/feed/ 4