OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’impression 3D, boulet médiatique http://owni.fr/2012/10/23/limpression-3d-ce-boulet-mediatique/ http://owni.fr/2012/10/23/limpression-3d-ce-boulet-mediatique/#comments Tue, 23 Oct 2012 09:10:01 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=123215

La semaine dernière, on a pu voir sur les murs de Paris une affiche posant cette question :

Et si ma nouvelle chaise sortait d’une imprimante 3D ?

Il s’agissait d’une réclame pour Demain dans ma vie, un événement de la Mairie de Paris destiné à mettre en valeur des “lieux d’innovation”. Le site Internet poursuivait :

L’innovation, tout le monde en parle. Mais qui se doute que dès aujourd’hui et demain encore plus, les objets de notre quotidien auront été fabriqués sur une imprimante 3D dans une boutique du coin de la rue.”

Cet été, le JT de France 2 s’est penché sur les fab labs. Après la diffusion du reportage, son auteur est venu sur le plateau avec une MakerBot, le nom générique donné aux imprimantes fabriquées par la société américain MakerBot industries, pionnier de la démocratisation de l’impression 3D grand public, avec RepRap. Extrait du simili-dialogue qui s’en est suivi :

Présentateur du JT de France 2 : ça veut dire que demain je casse ma branche de lunette, je casse mon stylo préféré, je ne vais pas l’acheter, je ne vais pas chez le fabricant, je le fabrique moi-même…

Reporter, la main sur une MakerBot : absolument, [...] vous trouvez les plans sur Internet, vous appuyez sur “enter” et la machine vous l’imprime. [...]

Présentateur : demain on a tous ça chez nous ?

Reporter : absolument, là c’est parti, [...] et si vous êtes très bricoleur, vous pouvez la fabriquer vous-même chez vous, c’est la magie d’Internet.

Extase

Chaque (r)évolution a besoin de symbole. La révolution industrielle eut la machine à vapeur, la fabrication numérique personnelle a l’imprimante 3D. Et ce n’est pas forcément une bonne chose. Tout symbole est un raccourci, avec ce que cela peut véhiculer d’erreurs, d’imprécision, de déception.

Imprimer le réel à portée de main

Imprimer le réel à portée de main

Les imprimantes 3D, c'est-à-dire des machines capables de fabriquer des objets, intéressent désormais de puissants ...

Il est compréhensible que les médias mainstream aient besoin d’un objet “sexy” qui fasse passer un concept, lui donne corps.

L’imprimante 3D est le “bon client”, photogénique en diable avec ses couches de plastique coloré qui s’accumulent et forment devant les yeux émerveillés du spectateur, son petit cri-cri qui ravit le preneur de son. Parfait pour résumer le pitch “from bits to atom”. Et elle-même est considérée comme une technique “disruptive”, comme le fut le PC en son temps, ce qui rajoute à son potentiel attractif.

Owni n’échappe pas à cet engouement, il suffit de jeter un œil aux illustrations de nos articles sur le sujet, et le nombre d’articles qui se focalisent sur ce seul objet. RepRap et MakerBot y sont déclinés sous toutes les coutures.

Cela devient franchement gênant quand le symbole est prétexte, conscient ou non, à tordre la réalité, au mépris du plus élémentaire bon sens. Revenons à nos exemples du début. Imprimer une chaise en 3D : même un enfant de 6 ans sait que le bois, contrairement au plastique, ne peut pas fondre. Même si l’on teste aujourd’hui l’impression de pâte à bois, la table basse en chêne qui sort de votre machine, ce n’est pas pour demain. Ni après-demain. Jamais en fait. Et en admettant que le modèle plastique vous tente, aujourd’hui, le format maximum est de 28,4 x 15,2 x 15,4 cm si vous avez sous la main la Replicator 2, la dernière MakerBot, sortie en septembre. Avec une imprimante CupCake, c’est 10 x 10 x 10 maximum.

Pourtant, il est déjà possible de fabriquer une chaise avec ses mimines à l’aide d’une machine assistée par ordinateur sans passer par la case CAP de menuisier et avec de l’entrainement, en utilisant une découpe-laser, la mal-aimée médiatique.

L’exemple du “stylo préféré” est tout aussi erroné : à moins que d’avoir pour stylo préféré un Bic basique, on ne peut pas aujourd’hui faire un stylo en métal d’un clic. Et puis il faudra que les plans de votre modèle favori soient en ligne, ce qui n’est pas gagné. Bref, un coup de scanner 3D semblerait plus logique. Mais c’eût été ne pas évoquer “la magie d’Internet”.

Monts et merveille

Le côté magique de l’impression 3D est un formidable attrape-mouches, comme s’il portrait tous les espoirs d’un nouveau modèle de société, avec le saint triptyque local-soi-même-personnalisé. Mais pour l’heure, il risque de susciter de la déception, comme le soulignait cet article, qui invitait à une vision à moyen et long terme :

Pour beaucoup, l’impression 3D atteint le pic de son cycle de la hype, développé par Gartner, et elle est sur le point de s’effondrer dans les abîmes de la désillusion. J’espère vraiment que c’est le cas. Pour être honnête, cela n’arrivera jamais assez rapidement pour moi !

Je trouve beaucoup plus facile de combattre le pessimisme des gens avec les possibilités positives de l’impression 3D (il y en a beaucoup) plutôt que de constamment crever la bulle des attentes exagérément enflées du public sur l’impression 3D.

L’enjeu est de la maintenir réelle, là maintenant, avec des applications authentiques et assez étonnantes, nées de la compréhension de ce que l’impression 3D PEUT et NE PEUT PAS réaliser.

Il est aussi important de comprendre que nous sommes seulement au début de ce voyage de l’impression 3D et que la technique promet de bien plus grandes choses dans le futur, avec la poursuite de la R&D.

Alors oui, nous aurons peut-être, si ce n’est déjà le cas, des cheveux gris quand l’impression 3D sera une technologie mature qui tiendra ses promesses actuelles, en admettant que les lobbies du copyright et de la propriété intellectuelle ne foutent pas tout en l’air.

L’impression 3D vend son âme

L’impression 3D vend son âme

Le fabricant d'imprimante 3D grand public MakerBot incarnait la possibilité d'un business model basé sur l'open ...

En attendant, prudence et distance sont de mise. Et rien ne vaut la pratique si l’on veut éviter de dire des âneries : mon regard sur cette technique a changé radicalement le jour où j’ai vu, piteuse, une clé laborieusement construite avec un logiciel de CAO, sortir, inutilisable : la MakerBot était mal réglée.

Toutefois, tout n’est pas à jeter dans cet engouement mal renseigné. L’attrape-média est aussi un attrape-grand public, une porte d’entrée attrayante vers les lieux de refondation (potentielle) de la société que sont les maker/hackerspaces et autres fab labs.

C’est aussi un des leviers du progrès de la technique : la communauté des contributeurs grossit, qui dit demande, dit investissement, dit R&D, dit amélioration.

Avec un possible contre-coup qui point déjà : des gros investisseurs qui se fichent pas mal des valeurs de partage et d’entraide qui ont permis à un rêve de devenir réalité, aussi mal ébarbée soit-elle à ses débuts.


Objet en 3D par Makerbot (CC-by)

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L’impression 3D vend son âme http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/ http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/#comments Tue, 25 Sep 2012 10:06:36 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=120703 business model basé sur l'open source. Mais la polémique enfle depuis le lancement ce mois-ci de leur nouveau modèle, qui est fermé. Certains l'accusent d'avoir renoncé à leur éthique sous la pression des investisseurs qui ont apporté 10 millions de dollars l'année dernière. ]]>

Deux imprimantes 3B Replicator Makerbot

Ce jeudi, Bre Pettis, co-fondateur de MakerBot Industries, fabricant à succès d’imprimantes 3D grand public MakerBot, doit donner un talk à l’Open Hardware Summit sur “les challenges des biens de consommation open source”. Ce qui fait bien ricaner une partie de la communauté de l’open hardware, et en particulier ceux qui contribuent au développement desdites imprimantes.

Car depuis le lancement ce mois-ci de la quatrième génération d’imprimante de l’entreprise américaine, la Replicator 2, la polémique enfle dans le petit milieu : ce nouveau modèle n’est pas open source. MakerBot a vendu son âme au monde des systèmes propriétaires sous la pression des investisseurs, accuse-t-on dans le milieu. Fini a priori l’éthique hacker qui guidait ses décisions. Une triste évolution qui se lirait dans la chronologie des faits marquants de leur jeune histoire.

MakerBot Industries a été créée en 2009 de la volonté de développer les imprimantes 3D open source domestiques, en se basant sur la RepRap, la pionnière du genre. Ses trois co-fondateurs, Bre Pettis, Zachary Smith et Adam Mayer sont issus du milieu hacker. Les deux premiers ont d’ailleurs fondé le hackerspace new-yorkais NYC Resistor.

Plus qu’un outil, RepRap symbolise une vision politique de l’open source hardware (OSHW), dont témoigne le discours d’un de ses développeurs, Adrian Bowyer : cet ingénieur rêve d’un monde où les entreprises traditionnelles seraient court-circuitées. La fabrication des produits manufacturés serait assurée par les citoyens eux-mêmes, grâce à des imprimantes 3D utilisant des plans open source partagés en ligne.

Le fondateur d’Amazon dans le tour de table

Dans les premiers temps de son existence, MakerBot réussit à fédérer une jolie communauté soudée autour des valeurs de partage et d’ouverture chères à l’éthique hacker. L’entreprise a aussi lancé le site Thingiverse, où les bidouilleurs du monde entier peuvent faire profiter des plans des objets qu’ils bidouillent avec les machines.

L’entreprise est un succès, elle compte maintenant 150 salariés, et finit par attirer l’attention des investisseurs. L’année dernière, elle lève 10 millions de dollars, alors qu’elle a commencé avec 75.000 dollars en poche. Dans son tour de table, Jeff Bezos, un des fondateurs d’Amazon. Et début de la descente aux “enfers propriétaires”.

Parmi les signes avant-coureur, le changement des conditions d’utilisation en février dernier est pointé, plus particulièrement la clause 3.2, qui oblige les contributeurs à renoncer à leur droit moral et notamment à leur droit à la paternité. Du coup, MakerBot peut utiliser le travail de la communauté dans ses produits, qu’ils soient ouverts ou fermés.

Josef Prusa, un des développeurs importants de RepRap qui monte aussi sa boîte, entame dans la foulée un mouvement Occupy Thingiverse et publie un billet à l’ironie amère :

L’impression 3D est maintenant pleine de merde. [...]

Hey regarde, nous avons pris toutes vos améliorations que vous avez partagées sur Thingiverse, nous les avons compilées dans un package et nous les avons fermées pour vous :-D .

Les imprimantes MakerBot 3D : la Replicator à gauche et la Thing-o-matic à droite

Parmi les autres indices, il y avait eu aussi au printemps dernier le départ de Zachary Smith. Il s’est aussi exprimé sur la polémique avec la même franchise :

J’essaye de contacter les gens pour prendre la mesure des choses mais jusqu’à présent, personne ne parle, et mes anciens partenaires ne répondent pas à mes appels et mes mails. Cela ne va pas, certainement. La meilleure information que j’ai trouvée est une tonne de double langage d’entreprise bullshit [La réponse de Bre Pettis, ndlr] qui caractérisait mes interactions récentes avec MakerBot.

Louvoiement

Face aux critiques, Bre Pettis se défend dans un billet au titre risqué, tant les reproches semblent fondés : “Réparer la désinformation avec de l’information”

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Nous y travaillons et nous serons aussi ouvert que nous pourrons l’être alors que nous construisons un business durable.

Ou plutôt louvoie, comme taclent certains commentateurs :

Uh, FYI, tu as posé cette question :

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Mais tu n’y as pas répondu. Tu tournes juste autour du pot et tu saupoudres d’une poignée de joyeux mots sur l’open source.

Steve Jobs du hardware

L’histoire dépasse la simple anecdote pour renvoyer à une histoire plus ancienne, celle du logiciel. Libre par défaut à ses débuts, sans que ce soit codifié, il est devenu propriétaire à la fin des années 70-début des années 80, quand il a commencé à générer une économie viable avec la montée en puissance de l’ordinateur personnel. Bre Pettis serait somme toute le nouveau Steve Jobs, plus entrepreneur que hacker.

Et comme le souligne Zachary Smith, ce tournant de MakerBot est un coup porté à ceux qui croient que l’OSHW constitue un écosystème viable :

Non seulement ce serait la perte d’un fabricant OSHW important, mais ce serait aussi la perte d’une figure emblématique pour le mouvement. De nombreuses personnes ont montré MakerBot et ont dit : “Oui, l’OSHW constitue un business model viable, regardez combien MakerBot a de succès.”

S’ils ferment leurs portes, alors cela donnerait aux gens qui diraient que l’open source hardware n’est pas viable des munitions pour leur argumentation.

Cela découragerait de nouvelles entreprises OSHW de se monter. C’est vraiment triste.

Si l’histoire se répète, la logique voudrait qu’après un coup de barre propriétaire, l’open hardware prenne sa revanche dans quelques années : l’OSHW a ses Steve Jobs, elle aura bien ses Stallman.


Imprimantes 3D via les galeries photo de wwward0, makerbot et cogdogblog sous licences Creative Commons

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Lego joue la guerre des clones http://owni.fr/2012/02/08/lego-joue-la-guerre-des-clones/ http://owni.fr/2012/02/08/lego-joue-la-guerre-des-clones/#comments Wed, 08 Feb 2012 11:55:20 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=97407

Ha, les Legos ! Du pur bonheur pour les petits et les plus grands, voire même un élément devenu indispensable dans la panoplie du geek aujourd’hui. Pas de FabLab qui se respecte par exemple sans Legos, c’est bien connu !

Ce que l’on sait moins, c’est que l’univers des petites briques de plastique coloré possède aussi une face cachée juridique et j’irais même jusqu’à dire que les Legos constituent l’un des plus fascinants objets de méditation juridique que je connaisse.

La semaine dernière, outre qu’un petit bonhomme à tête jaune a été envoyé pour la première fois dans l’espace (si !), la planète Lego a connu les derniers avatars en justice de la guerre sans merci que se livrent le groupe danois Lego et ses concurrents, pour le contrôle du (très juteux) marché mondial de la briquette.

Creuser les dessous de ces affaires, c’est constater que les Legos entretiennent un rapport très particulier avec la propriété intellectuelle, qu’il s’agisse de copyright, de droit des brevets ou de droit des marques.

Et se rendre compte que les Legos sont bien au cœur des mutations impulsées par le numérique et de leur répercussions juridiques, avec le Remix, l’Open Source ou encore l’impression 3D ! Lisez la suite et vous ne verrez jamais plus un Lego de la même façon !

Règlements de comptes

Le groupe danois Lego a décidé la semaine dernière de traduire devant un tribunal américain la firme Best-Lock,  dirigée par l’allemand Torsten Geller. Lego lui reproche notamment d’avoir contrefait ses produits en commercialisant des figurines et des briques très proches des siennes dans leur apparence.

Une semaine plus tôt, c’est au Canada que Lego avait maille à partir avec un autre concurrent dénommé Mega Brands, dans un différend qui a failli dégénérer à son tour en procès. Cette firme basée au Québec commercialise la gamme des produits Mega Blocks reposant sur un principe similaire aux Légos. Elle s’est vue menacée par une action intentée par la société danoise auprès des douanes américaines pour faire saisir d’importantes quantités de marchandises exportés à destination des États-Unis. Pour se défendre, Mega Brands a formé un recours en justice contre Lego,  avant finalement de le retirer, la firme danoise ayant jugé bon de ne pas risquer le procès.

Ces péripéties ne constituent que les derniers épisodes d’une longue “guerre des clones” dans laquelle Lego s’est engagé depuis plusieurs années, mais qui tourne peu à peu à son désavantage, en raison des sévères difficultés rencontrées pour faire protéger ses briques de plastique.

Brevet disparu

Les Legos ont été lancés après la seconde guerre mondiale, lorsque l’usage du plastique s’est répandu, par un charpentier danois, Ole Kirk Christiansen, aidé par son fils. Le groupe Lego a ensuite cherché à se protéger juridiquement de la concurrence par le biais d’un brevet déposé en 1961 sur ses briques. Mais la protection accordée dans ce cadre n’est que temporaire et en 1988, l’exclusivité accordé à ce brevet a disparu. Cela a ouvert une faille dans laquelle plusieurs concurrents, les Lego Clones,  ont cherché à s’engouffrer.

Lego a réagi en essayant de changer de terrain juridique pour pouvoir continuer à se protéger par le biais d’un droit de propriété intellectuelle. En 1989, il attaqua ainsi la firme Tyco Toys devant les tribunaux anglais. Ceux-ci lui permirent de l’emporter, en reconnaissant que Tyco avait violé le design protégé des briques, mais ils refusèrent de considérer que les briques puissent être protégées par un véritable copyright, comme le demandait Lego, car ils estimèrent que la dimension fonctionnelle de ces éléments prévalait sur leurs aspects esthétiques. En 2002, Lego prit cependant sa revanche, en parvenant à faire condamner devant un tribunal chinois la firme Coko pour violation de copyright.

Le copyright s’avérant néanmoins un terrain trop incertain, Lego a également essayé d’utiliser le droit des marques pour se protéger, mais il a connu en la matière plusieurs déconvenues.

En 2005, la Cour suprême du Canada avait ainsi débouté Lego, qui demandait à ce que ses produits ne puissent plus être confondus avec ceux d’un concurrent québécois, Mega Blocks, qui était parvenu à se tailler de belles parts de marché au Canada et aux États-Unis. La Cour avait estimé dans son jugement “qu’un dessin purement fonctionnel ne peut servir de fondement à une marque de commerce déposée“. La bataille judiciaire entre les deux fabricants s’est néanmoins poursuivie en Europe, avec des plaintes déposées par Lego en Allemagne, en Italie, en France, en Grèce et aux Pays-Bas ! Cette lutte acharnée prit fin en 2010, lorsque la Cour de Justice de L’Union Européenne a refusé que Lego utilise le droit des marques pour prolonger artificiellement son brevet. Elle a jugé que la forme de la brique LEGO ne répondait pas à un besoin d’identification du produit, mais remplissait une simple fonction utilitaire que le droit des marques ne peut protéger en elle-même.

Ce que montrent ces décisions, c’est qu’il y a dans les briques Lego quelque chose de juridiquement insaisissable qui empêche dans une certaine mesure leur protection par un monopole fondé sur la propriété intellectuelle. Mais ce n’est vrai qu’en partie et Lego n’est pas complètement démuni pour lutter contre ses concurrents directs ou indirects.

L’empire contre-attaque !

Lego déploie en effet une très grande agressivité juridique pour se défendre devant les tribunaux et on l’a vu faire feu de tout bois pour arriver à ses fins. Malgré des procès perdus, le droit des marques ne lui est tout d’abord pas complètement inutile. Il lui a permis par exemple à la fin de l’année dernière de remporter en Belgique un litige contre le fabricant de montres Ice Watch, dont les boîtes d’emballage ressemblaient trop à son goût à des briques Lego. Lego est également très agressif sur le terrain des noms de domaine et ses juristes font la chasse aux sites qui comporteraient son nom dans leurs adresses.

Lorsque Lego veut s’en prendre à un site Internet qu’il désire faire fermer, on se rend compte qu’il dispose de tout un arsenal juridique assez redoutable pour parvenir à ses fins. Dans cet exemple, impliquant le site Lord of the brick, on voit qu’il met par exemple en avant un droit d’auteur sur les photos de ses produits, le droit à l’usage de son logo ou encore même le droit d’écrire le mot LEGO, qu’il peut restreindre en se servant du droit des marques !

Cette débauche de moyens en justice peut d’ailleurs parfois friser la censure, comme dans cette affaire en 2006 où Lego avait essayé d’agir contre une affiche de l’ONU, utilisant l’image d’une brique dans une campagne contre le racisme…

Lego, remix et Open Source

Mais Lego ne se situe pas toujours du côté obscur de la force juridique et c’est ce qui est fascinant avec cette compagnie, notamment dans les rapports qu’elle entretient avec les pratiques amateurs et ses fans, qui sont souvent avides de réutiliser et de détourner l’image des Legos.

Les Legos, par leur modularité infinie, se prêtent en effet à merveille à de multiples pratiques numériques, comme le remix ou le mashup. La Toile regorge ainsi de Brickfilms, des films d’animation en stopmotion, souvent parodiques, qui rejouent à leur manière toutes les histoires, même les plus inattendues. Les briques Lego elles-mêmes font l’objet de multiples modifications et customisations, par des fans particulièrement actifs sur Internet et structurés en communautés. Ces pratiques ne sont d’ailleurs pas seulement le fait d’amateurs et il existe des professionnels de la modification des briques, qui font commerce de leurs talents.

Lego est bien conscient de l’importance de s’appuyer sur ces communautés pour développer son activité, bien que ces pratiques transformatives impliqueraient qu’il lâche aussi du lest quant au respect de ses droits de propriété intellectuelle. Cette tension se lit clairement entre les lignes de la “Charte de fair play” publiée sur le site de la firme, qui s’efforce de trouver un juste milieu entre lutte contre la contrefaçon et acceptation des pratiques amateurs. L’exercice s’avère compliqué et c’est surtout la défense de sa marque et de son logo qui ressort de la lecture de cette charte, même si Lego accepte par exemple la reprise de certains éléments, comme les instructions de montage et les photos figurant sur sa documentation et les emballages de ses produits.

Sur cette base, il est certain qu’un très grand nombre de sites internet ou de contenus produits par des utilisateurs pourraient être attaqués par Lego, mais bénéficient d’une tolérance relative… qui peut hélas cesser à tout moment, comme l’a montré cette affaire en 2009, où Lego s’appuya sur son copyright pour faire retirer une vidéo sur Youtube dans laquelle des figurines parodiaient le groupe Spinal Tap !

Pour autant, Lego a su également conduire des projets innovants, pour libérer certaines de ces productions ou tirer parti de la créativité de ses fans. La firme a par exemple choisi de ne pas poursuivre les hackeurs qui avaient réussi à craquer les programmes incorporés dans les processeurs de sa gamme de briques high-tech Mindstorms, développée en partenariat avec le MIT. Mieux encore, Lego a  accepté de placer plusieurs de ses logiciels en Open Source, pour permettre à la communauté de les faire évoluer.

Par ailleurs, Lego a décidé de s’associer à l’intelligence collective, en lançant le projet Cuusoo : une plateforme de crowdsourcing permettant à des utilisateurs de proposer de nouveaux modèles et de les faire évaluer par les internautes. Lorsqu’une proposition rassemble plus de 10 000 supporters (comme ce modèle inspiré de Minecraft), Lego lance sa réalisation et sa commercialisation, en reversant 1% des bénéfices à son concepteur.

Cette expérience participative est assez fascinante, mais juridiquement, Lego ne se départit guère de ses réflexes appropriatifs. Les conditions d’utilisation du site indiquent en effet que les personnes qui soumettent un projet sur la plateforme doivent : “conférer à Lego tous les droits pour pouvoir commercialiser leur idée“, ce qui implique notamment “un droit exclusif de construire, distribuer, mettre en marché et vendre votre idée“. Lego ne restreint pas cependant la possibilité pour le créateur de diffuser ailleurs et de partager son idée, que ce soit sur son site ou sur des profils personnels.

On aurait pu imaginer que Lego ait recours à des licences libres pour jouer la carte de l’Open Source, en plus de celle du Crowdsourcing, ce qui aurait été une manière plus équitable de s’appuyer sur l’intelligence collective de sa communauté. D’autres cas sont encore plus limites, comme celui de ce modèle de croiseur stellaire lancé par Lego l’an dernier, mais qui semble s’inspirer de la réalisation qu’un amateur avait diffusée sur le web.

En attendant le choc de l’impression 3D, le meilleur pour la fin…

Il n’en reste pas moins que les bouleversements les plus importants pour l’avenir des petites briques en plastique sont encore peut-être à venir, du côté notamment de l’impression 3D. Cette technologie qui permettra sans doute très vite à tout un chacun de produire des objets dans son salon peut en effet avoir un effet très corrosif pour les principes de la propriété intellectuelle et ce sera certainement tout particulièrement vrai pour des éléments aussi simples à modéliser que des Legos.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Il existe déjà d’incroyables imprimantes 3D, comme la MakerLegoBot, construites elles-même en Lego et capables d’assembler des briques, en suivant un modèle. On imagine très bien que d’autres imprimantes 3D pourront permettre un jour à quiconque de créer des briques en grand nombre, ce qui permettrait de se passer de la firme Lego et de tous ses clones. Or comme Lego n’a pas pu réussir à copyrighter ses briques, ni à les couvrir par le droit des marques, il lui sera sans doute très difficile d’empêcher des myriades de particuliers de devenir des concurrents en puissance…

En attendant que la brique fasse ainsi sa révolution de salon, j’ai gardé le meilleur de cette chronique juridique des Legos pour la fin. En effet, il s’avère qu’Ole Kirk Christiansen a admis lui-même qu’il n’avait pas inventé le concept des Legos, mais qu’il avait copié l’idée de l’inventeur britannique Hilary Page, développée durant la deuxième guerre mondiale. Le charpentier danois et son fils ont donc bâti leur empire en s’appropriant l’idée d’un autre, par le biais d’un brevet habilement déposé !

C’est peut-être à cause de cette supercherie originelle que Lego subit aujourd’hui une malédiction du copyright, qui lui fait peu à peu perdre le contrôle sur son produit. En tout cas, Torsten Geller, le président du concurrent Best-Lock que Lego a attaqué en justice la semaine dernière, a déclaré que c’est après avoir appris que la firme danoise avait “volé” l’idée des Legos qu’il a décidé de lancer sa propre affaire :

Ils m’ont menti alors que j’étais enfant. C’est pour cela que j’ai lancé cette affaire. C’est une vengeance personnelle.


Ilustration chronique du copyright par Marion Boucharlat pour Owni
Photos de légo sous licence Creative Commons par Icedsoulphototography ; Kalxanderson ; Pasukaru76 ; Tim ; Leg0fenris

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Imprimer le réel à portée de main http://owni.fr/2011/09/15/imprimer-le-reel-a-portee-de-main/ http://owni.fr/2011/09/15/imprimer-le-reel-a-portee-de-main/#comments Thu, 15 Sep 2011 07:12:45 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=78679

Fin août, MakerBot Industries, un des principaux fabricants d’imprimante 3D grand public, a levé [en] 10 millions de dollars. À ses débuts en 2009, la société avait 75.000 dollars en poche. Dans son tour de table, Jeff Bezos, un des fondateurs d’Amazon. La petite entreprise y croit : l’impression 3D va connaître une destinée similaire au PC, devenir un outil grand public, et MakerBot Industries compte bien s’en donner les moyens :

Nous embauchons pour faire grossir notre équipe et démocratiser la fabrication et rendre l’impression 3D plus accessible à tout le monde !

Signe des temps : la société HP vient elle aussi d’annoncer [en] le lancement d’une imprimante/scan 3D… Les modèles pour l’industrie se sont répandus à partir du début des années 2000 et restent très chers, minimum 10.000 euros. Depuis, des modèles pour les particuliers ont été développés : les plus courants sont la RepRap [en], open source et auto-replicante, c’est-à-dire capable de fabriquer ses propres pièces, et la MakerBot qui, lancée en 2009 à environ 1.000 dollars pièce, a été vendue à 5.200 exemplaires à ce jour.

Elles vous permettent de construire des objets physiques à partir d’un modèle virtuel, conçu grâce à un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAO). Pièce de remplacement, jouet, article de cuisine, les possibilités sont infinies, selon vos besoins. Pour un petit aperçu, jetez un coup d’œil à la page « objets populaires » de Thingiverse, lancé par MakerBot pour rassembler cette communauté. Les imprimantes 3D ont la part belle dans les fab labs (fabrication laboratory), un concept créé par Neil Gershenfeld, professeur au MIT. Il s’agit de véritables mini-usines capables de produire des objets complexes à la demande.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Se lancer est aujourd’hui une affaire de geek : des passionnés, adeptes du Do-It-Yourself (DIY, fais-le toi-même), qui fréquentent les makerspaces, hackerspaces et autres fab labs, ces lieux de rencontre physique des passionnés de la bidouille. Ils ont la foi des pionniers du PC et leur démarche peut être politique : en démocratisant la fabrication personnelle, ce néo-artisanat remet en cause le circuit traditionnel de production-distribution. Avant que Mme Michu ne soit convaincue, il faudra abattre un certain nombre d’obstacles plus ou moins coriaces.

Une technique à parfaire

« Toutes les machines ont un ticket d’entrée de compétences relativement élevé, prévient Emmanuelle Roux, qui monte un projet de Fab Lab à l’université de Cergy-Pontoise, et heureuse propriétaire d’une MakerBot. Je vois mal tout le monde posséder une MakerBot à la maison, c’est très tricky (tordu), je l’adore mais il faut être patient avec elle. » Et pourtant, les MakerBot sont vendues préassemblées. Que dire alors de la RepRap, qu’il faut construire soi-même… Adrian Bowyer [en], l’inventeur de la RepRap, ingénieur et mathématicien de son métier nous résume la situation actuelle :

Pour l’instant, les coûteuses machines propriétaires sont faciles à monter et à utiliser et les machines opensource bon marché comme RepRap sont plus difficiles. C’est surtout un problème de logiciel, et beaucoup de gens travaillent à l’améliorer, ce point est en train d’être résolu.

De plus, les matériaux utilisés sont limités, il s’agit essentiellement du plastique, ce qui limite les usages. « En dépit des avancées récentes, nous sommes probablement à une décennie ou plus avant des imprimantes 3D que tout individu sur la planète voudra posséder, estime [en] Singularity Hub. Quand ils peuvent produire de l’électronique, du tissu et du métal, il n’y aura pas un ménage aux États-Unis qui n’aura pas très envie d’une imprimante 3D. Longtemps avant d’en arriver là, nous avons besoin d’une compagnie qui puisse transformer les outils dans autant de mains technophiles que possible, de sorte que la technologie puisse se développer aux côtés d’une communauté qui inventera des applications (rentables ?) en même temps qu’elle évolue. »

De plus, la fabrication est longue, comme le détaillait au Monde Clément Moreau, cofondateur de Sculpteo, une société française qui fait de l’impression 3D :

« C’est le principal inconvénient de cette technologie : elle prend du temps. Il faut compter environ une heure par centimètre. En revanche, la qualité des objets produits a fait de très grands progrès : on peut aujourd’hui créer des objets solides, avec un très bon degré de précision, et réaliser des formes qui seraient très difficiles à produire avec une machine-outil classique. »


La caverne aux machines de MakerBot Industries : ça fait un peu peur encore.

La bataille juridique

Michael Weinberg, de l’association Public Knowledge [en], a publié l’année dernière un livre blanc [fr], « L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air ! ». « Ils », ce sont les représentants de l’oligarchie qui redoutent le développement de cette « technologie de rupture » et vont tenter de freiner son développement en s’appuyant sur la propriété intellectuelle. Il se rejouerait la même lutte que celle qui oppose encore les internautes aux industries culturelles, avec un potentiel de points d’achoppement plus nombreux : droit d’auteur mais aussi brevet, marque déposée, etc. Pour reprendre Ars Technica [en], un Napster bis serait en préparation, du nom de ce service d’échanges de fichiers, fermé suite aux plaintes de l’industrie musicale pour violation du droit d’auteur en 2001. À moins que les citoyens retiennent les leçons du passé, explique Michael Weinberg :

« Quand l’oligarchie a commencé à comprendre à quel point l’utilisation d’ordinateurs personnels pouvait être perturbatrice (en particulier les ordinateurs personnels massivement connectés), les lobbys se sont organisés à Washington D.C. pour protéger leur pouvoir. Se rassemblant sous la bannière de la lutte contre le piratage et le vol, ils ont fait passer des lois comme le Digital Millennium Copyright Act (DMCA) qui a rendu plus difficile l’utilisation nouvelle et innovante des ordinateurs. En réponse, le public a redécouvert des termes autrefois obscurs comme le « fair use » et s’est mobilisé avec vigueur pour défendre son droit à discuter, créer et innover. [...] L’un des objectifs poursuivis par ce livre blanc est de sensibiliser la communauté de l’impression 3D, et le public dans son ensemble, avant que l’oligarchie ne tente de paralyser l’impression 3D à l’aide de lois restrictives sur la propriété intellectuelle. En analysant ces lois, en comprenant pourquoi certaines modifications pourraient avoir un impact négatif sur l’avenir de l’impression 3D, nous serons prêts, cette fois-ci, quand l’oligarchie convoquera le Congrès. »

Michael Weinberg se dit « raisonnablement optimiste » sur l’issu de cette bataille, nous expliquant :

Je préfèrerais être dans la position de protéger les conditions légales existantes, plutôt que d’être dans celle de devoir les changer.

Pour Adrian Bowyer, l’aspect juridique n’est même pas un « problème significatif. La seule arme réelle dans l’arsenal de l’oligarchie industrielle serait de faire du lobby pour changer les lois sur la propriété intellectuelle. Cela prendrait beaucoup de temps – les machines 3D open source auront pris le dessus sur les machines de l’oligarchie industrielle bien avant que les gouvernements du monde agissent (si jamais ils le font.)

De plus, ce serait un contrôle faible. RepRap en particulier peut être distribué par les individus sans impliquer une structure centralisée ou une entreprises. L’expérience de l’industrie de la musique avec le format de fichier MP3 montre que c’est un phénomène sur lequel la loi ne peut avoir pratiquement aucun contrôle.

Troisième point, chaque imprimante 3D faite par l’oligarchie industrielle peut fabriquer des RepRaps. Mais les RepRaps ne feront pas les machines de l’industrie oligarchique. Les imprimantes 3D non-réplicantes sont stériles et ne font pas leurs propres enfants mais elles sont fertiles en concevant des RepRaps. Les RepRaps sont fertiles en concevant des RepRaps. Vous comprenez ce que cela produit à la dynamique de la population… »

Une masse suffisante de parents aura-t-elle envie de fabriquer les jouets de ses enfants ?

Au fait, la demande sera-t-elle là ?

Premier échelon, même s’il est possible de concevoir et d’imprimer à bas goût et facilement, Mme Michu ne se sent pas une âme de créatrice et/ou n’a pas envie de passer du temps à chercher un patron en 3D qui lui conviennent, et les objets à fabriquer ne sont somme toute pas légion : on n’a pas besoin de 150 vases dans une maison. Bre Pettis, co-fondateur de Maker Bot, est conscient du défi qui les attend :

Notre plus grand challenge est d’éveiller les consciences. Nous faisons de notre mieux pour que les gens sachent qu’ils peuvent posséder une machine qui peut faire quasiment tout.

Si le message ne passe pas, une utilisation partagée se développerait, sans pénétrer chaque foyer. Il existe déjà actuellement des services d’impression 3D. « Les gens qui ont besoin de créer des objets comme les artistes ou les designers en auront une », pense Antonin Fourneau, enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD). Son école va ainsi s’équiper d’une Maker Bot, en complément de l’imprimante 3D « haut de gamme ».

On verrait aussi le développement de fab labs de quartier, pour les projets de plus grande envergure, de la même façon que vous allez chez Ikéa acheter votre armoire Ingmar. Barcelone a ainsi exprimé la volonté de devenir la première Fab city avec 10 fab labs répartis dans chaque quartier contre quatre actuellement [pdf, en].

Pour d’autres, les usages suivront la technique, à plus ou moins long terme : « Je pense que nous verrons un jour où les imprimantes 3D seront en vente dans les magasins d’électroniques courants à côté des TV et des lave-vaisselle, mais cela ne se passera peut-être pas ou cela prendra du temps. Je me souviens que les premiers PC n’étaient pas très sophistiqués mais la combinaison de l’accessibilité et de l’enthousiasme ont amélioré lentement leur utilité pour les gens à la maison, explique Michael Weinberg. Si en 1992, après vous avoir décrit l’essentiel de l’ordinateur en réseau, quelqu’un vous avait demandé à quoi cela pourrait servir, vous n’auriez probablement pas cité Facebook, Twitter ou SETI@Home. »

« Prenons l’exemple de la voiture, le tuning se développe énormément, les fabricants sont obligés de proposer des accessoires à la demande, et amènent eux-mêmes la possibilité de choisir la couleur de tes sièges, etc. Il n’y a pas encore vraiment de création car l’outil adéquat n’existe pas, renchérit Emmanuelle Roux. Quand on parle des projets, quel que soit le public, l’argument qui fonctionne le plus, c’est l’envie de personnalisation, faire les objets à une taille donnée parce qu’on a une configuration particulière ou simplement décorer comme on le souhaite. Si on prend le boum des arts créatifs, cela va continuer, si on apporte une technologie qui ne demande pas d’être un ingénieur en électronique. »

Adrian Bowyer croit davantage non pas au potentiel créatif de M. tout le monde mais en son potentiel politique : mettre à bas la vieille industrie. Il ne s’agit plus de se limiter à la fabrication des jouets de son enfant :

« Imaginez une agriculture dans laquelle toutes les innovations génétiques et de reproduction ne seraient pas issues des grandes compagnies avec des brevets mais par les fermiers eux-mêmes, et libres pour tous. La production de nourriture et autres produits agricoles seraient complètement transformée. RepRap fait la même chose pour les produits manufacturés : non seulement la machine elle-même se développe et est modifiée sans cesse mais il en va de même avec les produits faits.

Et finalement ces produits pourront être considérés comme des biens manufacturés de tous types…. Je peux imaginer un collectif de dix familles qui vont ensemble dans un village utiliser leur imprimante 3D domestique durant une semaine pour imprimer les dessins d’une de la voiture d’une des familles, téléchargés d’un site open-source. D’un coup, il n’y a plus d’industrie de la voiture. »

L’imaginaire s’envole vers des horizons révolutionnaires :

Plus personne ne fait appel à une société d’impression pour faire des cartons d’invitation pour une fête, ils utilisent leur imprimante. Maintenant imaginez un monde ou presque tous ces produits conçus par des ingénieurs sont comme ces cartons d’invitation…

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Image de une par Ophelia Noor pour Owni /-)

Rendez-vous : FabLab Toulouse Conference du 20 au 23 octobre prochain.

À lire en anglais : 34 Rules, le dernier roman de Charles Stross met en scène un personnage qui fait des contrefaçons en 3D. Un roman d’anticipation, pas de science-fiction :)

Images Cc Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Ѕolo, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Laughing Squid et PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Alexandre Dulaunoy

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