Du storytelling digital au storytalking politique

Le 15 novembre 2009

Nicolas Sarkozy sur Facebook, le Président de la République et ses 186 000 "fans": face au succès du réseau social et de ces plus de 11 millions de Français inscrits, la communication de l'Elysée a compris tout l'intérêt de communiquer sur Facebook. Un large public, captif et bavard, la possibilité de passer outre les diffuseurs d'actualités: Facebook aurait du être "the place to be" pour les communicants politiques drogués au storytelling.


Nicolas Sarkozy sur Facebook, le Président de la République et ses 186 000 “fans”: face au succès du réseau social et de ces plus de 11 millions de Français inscrits, la communication de l’Elysée a compris tout l’intérêt de communiquer sur Facebook. Un large public, captif et bavard, la possibilité de passer outre les diffuseurs d’actualités: Facebook aurait du être “the place to be” pour les communicants politiques drogués au storytelling.

Digital Sarkozy chute au pied du Mur de Berlin

Le 8 novembre, le Président de la République écrit pour ses Fans et sous une photo de Sarkozy Nicolas devant le Mur de Berlin, il raconte son histoire personnelle mêlée à l’Histoire de la Chute du Mur: “J’étais alors secrétaire général adjoint du RPR. Le 9 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin, et semblent annoncer du changement dans la capitale divisée de l’Allemagne. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Juppé pour participer à l’événement qui se profile. Arrivés à Berlin ouest, nous filons vers la porte de Brandebourg où une foule enthousiaste s’est déjà amassée à l’annonce de l’ouverture probable du mur“.

Un mensonge révélé alors par le journaliste Alain Auffray sur son blog: “Le matin du 9 novembre, personne à Paris – ni même à Berlin – ne pouvait soupçonner que le mur allait tomber. Les radios et télévisions ouest-allemandes n’ont commencé à évoquer la ‘libre circulation’ qu’à partir de 20h. Et ce n’est qu’après 23 heures que les Berlinois de l’Est, prenant ces informations prématurées pour argent comptant, furent si nombreux à se masser devant le poste frontière de la Bornholmer Strasse que les garde-frontière est-allemands finirent par lever la barrière“.

On connaît la suite, l’emballement médiatique, les revirements d’Alain Juppé, le soutien de François Fillon. Et le malaise: Nicolas Sarkozy aurait-il menti? Un Président pourrait-il mentir consciemment? Si seulement le conseiller en charge du profil Facebook de Nicolas Sarkozy s’était trompé, un simple rectificatif aurait suffit. Mais l’Elysée s’arc-boute sur ses ses positions. Le malaise perdure.

Le Parisien révèle alors la suppression de certains commentaires sur la page de Nicolas Sarkozy: l’affaire dans l’affaire surgit. La cellule internet de l’Elysée, dirigée par Nicolas Princen (déjà montré du doigt lors de sa prise de poste consistant notamment à “surveiller tout ce qui se dit sur la Toile, traquer les fausses rumeurs et déjouer toute désinformation à l’encontre du Président”), en charge du Facebook de Sarkozy fait savoir: “On ne supprime que les messages injurieux, haineux, vulgaires ou à caractère antisémite ou homophobe. Les messages critiques, négatifs, on les laisse. C’est le jeu participatif“. Trop tard le mal est fait. Le soupçon de censure est lancé.

Le storytelling digital est mort…

En lisant les commentaires des internautes sur la Fan Page de Nicolas Sarkozy sur Facebook, on constate avec effroi l’ambiguïté de cette communication: nombreux sont celles et ceux s’adressant directement au Président de la République. Sauf que le Président de la République n’est pas leur interlocuteur. Au final, un mensonge, une fois de plus, mais par omission. Bien entretenu par les communicants de Sarkozy, en utilisant la première personne du singulier lorsqu’ils alimentent ce profil Facebook.

Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’état à la Prospective et au Développement de l’Economie Numérique, quant à elle, alimente elle-même son compte Twitter et son profil Facebook. Elle a réussi à créer un lien direct avec les citoyens. Mais comme le remarque à juste titre Eric Maillard à l’occasion d’un échange entre NKM et le journaliste du Monde Xavier Ternisien, cela ne change en rien le besoin impérieux pour les politiques d’avoir un conseiller en communication afin de gérer leur agenda médiatique.

D’un côté donc, des ministres qui gèrent réellement leur identité numérique, de l’autre un Président qui le fait croire. Une certitude: la mauvaise gestion du storytelling digital pour Nicolas Sarkozy, révélée par sa présence sur Facebook. Sur le site de la Présidence de la République, c’est “M. le Président de la République” dont on raconte les journées. La troisième personne du singulier versus la première. Une énorme différence, alors même que Nicolas Sarkozy n’est jamais lui-même derrière son écran.

… vive le storytalking digital!

L’article du Parisien annonçait également le 13 Novembre la poursuite, malgré la polémique, de l’activité de Nicolas Sarkozy sur Facebook: “Selon nos informations, il devrait poster dans les jours qui viennent deux nouveaux messages: un sur la grippe A et un pour soutenir l’équipe de France de football avant le match contre l’Irlande pour la qualification à la Coupe du monde de football“. Bingo! Le 14 novembre, on peut lire sur le Facebook de Nicolas Sarkozy: “Je veux apporter mon plein soutien à l’équipe de France de football qui va disputer deux matchs déterminants de qualification pour la coupe de monde de 2010 en Afrique du Sud“.

Démonstration de la construction des histoires, de la préparation en amont des actualités digitales de Nicolas Sarkozy. A l’encontre même de ce que doit être Internet: un lieu d’instantanéité, de spontanéité, et d’échanges.

Le Web social, s’il a bouleversé le Web d’une part, les médias d’autre part, trouve son intérêt dans la possibilité d’échanger, de dialoguer. La fin de cette communication “top-down”, l’avènement de la chute des barrières entre “élites” et citoyens en politique, entre marques et consommateurs dans le privé.

La communication digitale des hommes politiques, pour être réussie ne devra plus se contenter de raconter des histoires, copier-coller du storytelling classique. Les histoires se raconteront avec les citoyens, certes en lançant des sujets, en orientant les débats, en animant les communautés, mais surtout en étant simplement un interlocuteur des internautes: le storytalking est né.

» Article initialement publié sur le blog de Luc Mandret

» Article également publié sur L’Express.fr

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