Les îles Bermudes, la planque à billets de Google
Nous avons recueilli les procès-verbaux des sociétés de Google en Irlande, utilisées pour expédier ses bénéfices vers des paradis fiscaux exotiques. Détails des ficelles utilisées par Google pour ne pas payer ses impôts.
Depuis le mois d’octobre dernier, plusieurs enquêtes ont montré que Google avait créé des dispositifs juridiques lui permettant d’échapper à l’impôt à hauteur d’un milliard de dollars par an. En cause, plusieurs des filiales à l’étranger, notamment en Irlande, toutes fondées par Google.
À Dublin, OWNI a recueilli près de 90 pages de statuts et de procès-verbaux des sociétés fondées par les heureux actionnaires du moteur de recherche. Deux d’entre-elles, Google Europe et Google Ireland Holdings, servent à recueillir les bénéfices générées grâce aux internautes européens pour ensuite transférer les fonds vers les comptes d’une filiale installée dans un paradis fiscal, l’archipel des Bermudes. Comme le montre l’extrait ci-dessous, ces structures dépendent de directeurs du groupe spécialement affectés aux opérations de défiscalisations en direction des Bermudes.
En termes pratiques, quand un internaute français, anglais ou allemand achète des services à Google – en particulier Adwords ou Adsense – sa carte est débitée vers un compte en banque à Dublin. Puis une partie de la marge nette dégagée par Google disparaît dans les Bermudes, par l’intermédiaire d’une holding basée aux Pays-Bas.
À Paris, nous avons interrogé la porte-parole de Google sur la moralité de ces montages juridiques – que l’on rencontre plus fréquemment dans l’industrie du tabac ou de l’armement. Mais Anne-Gabrielle Dauba Pantanacce nous affirme :
Je n’ai pas de détails à partager avec vous là -dessus
L’existence de Google Bermudes est un sujet en soi. Les documents mentionnent un siège social dans la ville d’Hamilton, à Clarendon House, au croisement de Church Street et de la route de Par-la-Ville.
À cette adresse, Google Bermudes consiste en réalité en une boite postale tenue par une société spécialisée en montages off-shore : Conyers Dill & Pearman. Un cabinet rassemblant plusieurs avocats d’affaires locaux travaillant dans ce paradis fiscal pour le compte de multinationales.
C’est ce cabinet qui administre Google Bermuda Limited, remplacé en 2006 par Google Bermuda Unlimited. Cette modification du statut est d’ailleurs loin d’être anecdotique : cette forme juridique plus récente permet d’échapper à l’obligation de publier les comptes.
Au sein du cabinet Conyers Dill & Pearman, nous nous sommes entretenus avec Lorina Taylor, l’une des consultantes chargée de Google aux Bermudes. Après avoir confirmée que le cabinet administrait bien les entités Google dans l’archipel, l’un de ses supérieurs a coupé court à nos demandes :
Nous ne communiquons aucune information relative à notre client.
Alors que Google emploie près de 1 800 personnes en Irlande, sa succursale aux Bermudes qui reçoit les revenus des internautes européens n’emploierait pas un seul salarié maison. Et, comble de l’ironie : Google Bermudes n’existe même pas sur Internet, la firme multimilliardaire n’ayant pas daigné débourser 89 dollars dans l’acquisition du nom de domaine google.bm …
Photos flickr CC Loco Russo ; John Dawson
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