Des ventes d’armes facilitées

Le 26 octobre 2011

Les procédures d'exportation d'armes se simplifient, pour le plus grand bonheur des marchands de canons. Les contrôles disparaissent en Europe. Et sont simplifiés pour les pays hors UE.

Ce mercredi, le ministère de la Défense a publié le bilan annuel des exportations d’armes françaises pour l’année 2010 au moment où la réglementation connaît une importante réforme. Sous prétexte d’harmonisation européenne, les nouveaux textes faciliteraient surtout le commerce des canons français.

La loi relative au contrôle des exportations de matériels de guerre du 22 juin 2011 transforme le circuit des autorisations. Une fois ce dispositif à l’œuvre, deux grandes modifications interviendront : les exportations au sein de l’UE ne seront plus soumises aux procédures de contrôle en vigueur, ces procédures seront simplifiées quels que soient les destinataires.

La Direction générale de l’armement (DGA) nous a répondu par écrit que “la réforme n’aura[it] aucun impact sur la qualité du contrôle” et qu’elle permettrait “[d’]alléger la charge administrative qui pèse sur les sociétés”. Des arguments que ne partage pas Patrice Bouveret, de l’Observatoire des armements. Lors du passage en première lecture au Sénat, il avait vivement réagi :

Sous prétexte de transposer deux directives européennes, le gouvernement répond à la demande des industriels d’alléger les procédures de contrôle des exportations.

Fusion des licences

Avant la réforme adoptée en juin dernier, l’exécutif intervenait à trois reprises dans la procédure codifiée d’exportation de matériel militaire. D’abord au moment de l’appel d’offre. “Les industriels demandent l’autorisation pour y répondre. La CIEEMG (Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, NDLR) se prononce et délivre un agrément préalable” rappelle Patrice Bouveret. La CIEEMG regroupe des représentants du Quai d’Orsay, de la Défense et de Bercy, chapeauté par le Secrétariat général de la défense et sécurité nationale (SGDSN) relié au Premier ministre.

“La CIEEMG accorde ensuite une Autorisation d’exporter le matériel de guerre (AEMG)” poursuit Patrice Bouveret. Chaque composante de la CIEEMG apporte ses compétences : le ministère des Affaires étrangères se prononce sur l’état des relations avec le pays, la Défense sur les risques potentiels liés à l’exportation du matériel concerné, l’Economie sur la santé économique de l’acheteur. En cas de désaccord, le sommet de l’exécutif tranche, le Premier ministre voire le Président de la République selon la sensibilité du contrat.

Ces deux autorisations seront désormais fusionnées dans une seule et même licence, une “licence ‘unique’” selon la DGA. Un ultime contrôle a lieu avant la livraison du matériel, pour réagir en cas de changements importants dans le pays acheteur. “L’exécutif garde un contrôle tout au long du processus, jusqu’à la livraison” résume Patrice Beuvelet.

Licences globales

Au sein de l’Union européenne, des “licences globales” sont mises en place avec la réforme, ironise Patrice Bouveret. “Les industriels doivent tenir à jour des listings sur les ventes et envoyer des rapports détaillés tous les six mois”. Le contrôle systématique, a priori, n’est plus appliqué. Jusqu’à la réforme, les rapports au Parlement sur les exportations d’armement mesuraient les ventes par trois indices : les commandes prises, les AEMG et les livraisons. Un effort de transparence qui ne convainc guère l’Observatoire des armements :

Les données financières ne permettent pas d’analyse fine des exportations, on ne peut pas suivre l’évolution des contrats : les prises de commande ne donnent pas toujours lieu à des AEMG qui elles-même ne sont pas toujours converties en livraison. La CIEEMG ne publie pas ses refus.

Dans ces rapports produits par le ministère de la Défense, seules sont détaillées par catégorie officielle (Military List) les prises de commande. Contrairement à la Grande-Bretagne, la France ne publie pas la liste des matériels exportés. Le Journal Officiel de l’UE publie quant à lui la liste des refus d’attribution de licence, sans préciser le matériel visé, ni les motifs.


Photos via Flicker par Jeff Meyer [cc-by-nc-sa]
Illustration : Marion Boucharlat pour Owni /-)

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